Franchement, ca allait. Zachary s’était imaginé un boulot monstre, vu le salaire indiqué… Mais, c’était le calme plat. Vraiment plat. Plus plat que le carrelage, plus plat même que l’horizon. Il ne savait pas du tout ce qu’il devait faire, on en lui avait rien demandé, rien dit. Peut-être que le travail était si évident qu’on n’avait pas besoin de le dire ? Dans tout les cas, Zach ne le trouvait pas si évident que ca. Mais on ne le payait quand même pas pour rien faire ! Ca ne l’aurait pas déranger, mais c’était impossible. Ca sentait anguille sous roche.

Et comme Zach n’aimait pas les mauvaises surprises, il avait simplement décidé de se planquer. Si on venait dans son bureau (ou plutôt, sa boite ouverte), on trouverait la place vide et un jeu de solitaire ouvert -où il perdait, évidemment, car sinon il l'aurait fini et n'aurait pas oublié de le fermer. Ils n'avaient qu’à donner le boulot avant ! S’ils voulaient le faire travailler, ils attendraient demain. C'était pas de sa faute si on le négligeait, comme si on pouvait se dispenser de son aide. Et pas de sa faute non plus, s'il s'était "absenté" pour "chercher de quoi s'occuper". Non mais oh.

Donc, puisqu’il avait décidé de se cacher pour ne pas qu’on l’importune, Zach se trouvait dans l’endroit le plus improbable où on aurait pu le chercher. C'est-à-dire, les toilettes des femmes. Assis sur son siège, casque sur ses oreilles avec du Jazz à fond et en supplément un paquet de m&m’s, c’est ce qu’il appelait une journée tranquille au bureau. Que pouvait-on demander de plus ? Bon, peut-être un siège un peu plus confortable… Mais au moins, c’était propre. Et il pouvait espionner ses jolies collègues par le biais de la porte qu’il avait laissé entre-ouverte. Vraiment, il aimait déjà ce job –ou plutôt, ce non job.

« Urgence ». Un mot qui avait beaucoup de significations… Enfin, peut-être. Car ce mot ne faisait pas parti du vocabulaire de Zachary. Peut-être à la limite « pressé » qui était un synonyme… Mais pas « urgence ». Non. Il ne savait même pas ce que cela voulait dire –ou du moins, tentait de l’ignorer. Et puis merde, en quoi elle s’autorisait à le surprendre pour ca? Elle ne pouvait pas taper à une autre cabine ? Ou elle voulait juste vraiment lui donner une crise cardiaque ?

Oui car, entre-temps, un moment s’était écoulé et Zach n’avait pas pu résister à l’envi de piquer un somme, maintenant qu’il avait le ventre plein de m&m’s. Le réveil fut doublement désagréable donc, entre la porte qui vrombissait et faisait résonner la cabine, combiné à son paquet de m&m’s a moitié plein qui s’était brusquement vidé par terre à cause de son sursaut. Beaucoup trop de bruit à son gout. Et puis il fallait penser au gaspillage qui venait de se faire, avec toutes ses sucreries au sol. Ca coutait cher, ces bêtises-là ! Et Dieu savait que Zachary avait horreur du gaspillage.

Il se leva, renversant encore les bonbons qui étaient restés coincés entre les plis de sa chemise, et posa son Iphone sur la cuvette.

« Putain de merde, vous pouvez pas frapper plus doucement ?! »

Il aurait peut-être du prendre une voix féminine mais, ca n’aurait pas donné un très bon résultat. Sauf si on aimait les ménagères de cinquante ans à la voix cassée. Et puis qu’on sache qu’un homme se trouvait dans les toilettes des femmes, ce n’était pas dramatique. Au pire on le prendrait pour un pervers. Tant qu’il ne draguait pas la fille du directeur –ou tout autres membres de la famille, ce n’était pas très grave… Il ne risquait pas de renvoit, n’est-ce pas ?

Bref, il ouvrit la porte avec un brin d’énervement, ce qui était assez rare chez lui. Il ne l’avouera pas mais, il avait quand même faillit faire une crise cardiaque. Il sortit à moitié de la cabine, gardant quand même un pied dedans au cas où.

Une gamine. Il leva les yeux au ciel secrètement et pesta tout aussi intérieurement. Quoi, elle voulait changer de tampon ? Il y avait bien d’autres cabines à harceler pour ca. En plus, ce n’était même pas une secrétaire sexy.
Cependant il resta calme, puisque s’énerver ne ferait que l’agacer –et le fatiguer inutilement, et consentit à un ton poli (un peu louche après les vulgarités précédentes), mais visiblement synonyme de « Tu me déranges, dépêche-toi » :

« Oui, quoi ? Je peux vous aider ? »

Et il n’avait pas du tout l’intention de céder sa place pour la cabine.