Luo tomba sur cette phrase lorsqu'elle ouvrit le magazine et en resta sans voix quelques secondes.
Sur la petite icone du programme télé, une charmante blonde nordique souriait, joues roses, peau blanche, trop maquillée, et juste sous ses épaules, l'heure du programme télé et cette petite phrase. Que du bonheur! Selon une étude, le Danemark caracole en tête du classement mondial du bonheur. Et Luo fronça les sourcils.
Bien. Maintenant, on faisait des classements mondiaux du bonheur. On triait soigneusement les pays heureux de ceux qui marchaient à l'anti-dépresseur, on les mettait en ligne dans un tableau avec le nombre d'enfant par femme et la consommation de médicaments par année, sans doute, on mettait des couleurs, on faisait une présentation sous powerpoint et on en fabriquait des programmes télé. La blonde lui souriait toujours, le regard lointain, sur le papier verdâtre de mauvaise qualité. Ainsi donc, on comptait maintenant le bonheur, on en faisait des taux, des crédits, bientôt on aurait des prêts de bonheur, qu'il faudrait rembourser au fil des années, et je ne vous parle même pas des intérêts. Il y aurait des banques du bonheur et des organisations de don de bonheur qui en transfuseraient un peu des heureux aux malheureux, pour une plus grande équité dans le monde et que tout le monde touche une béatitude aseptisée au moins une fois dans sa vie.
Selon une étude. Ainsi, des gens très importants en blouse blanche avaient pris leur petite seringue et étaient allés ausculter les pays pour leur demander s'ils étaient heureux et si ça leur disait qu'on raconte à 20.45 à la télé qu'ils étaient le pays le plus heureux du monde. Oh oui! Pour sûr, ça allait faire grimper en flèche le tourisme, avec un peu de chance, les gens penseraient que le bonheur était contagieux.
Luo continua de fixer le programme télé qu'elle avait attrapé au hasard sur l'étagère de la bibliothèque, désoeuvrée ce jour-là, et continua de se demander jusqu'où irait le monde. Ce jour-là ses cheveux bleu foncé dans l'obscurité des rayonnages exigus paraissaient presque noirs, elle était habillée de sombre et de jean, et une écharpe violet foncé lui enserrait le cou, les pans en tombant jusqu'à ses hanches. Elle n'était pas nécessaire, mais elle l'aimait bien cette écharpe. Et elle était de toute façon déjà plus utile qu'un classement du bonheur. Est-ce que tout le monde était heureux au Danemark? Est-ce que tout le monde courait dans les champs en faisant des colliers de paquerettes?
C'était vraiment possible de classer le bonheur comme ça?

[ voilà xd j'avais dit que c'était un peu bizarre. mais c'est véridique, j'ai le bout de programme télé à côté de moi ]

Quand le réveil sonna ce matin-là, Elizabeth continua de dormir profondément. Cela lui arrivait souvent et chacun en profitait ou subissait. Mais ce jour-là, Christopher n'eut pas vraiment le choix, c'est lui qui se réveilla au bruit du réveil. Il soupira, s'assit puis se leva. C'est à ce moment-là qu'il remarqua qu'il ne portait qu'une légère culotte.
Qu'est-ce qui lui avait pris ?! Ce n'était pas une tenue, ça !
Il se dirigea vers le placard, prit des vêtements et regarda son visage dans la glace. Il allait devoir se laver... Il le fit donc, comme d'habitude (oui, au bout de deux ans, il avait appris à faire avec), avec respect et pudeur.
Après, il s'habilla d'un jean et d'une chemise blanche et hésita à mettre une cravate. Cela faisait trop longtemps qu'il n'était pas aller travailler. Et puis c'était la première fois où il allait aller dans cette entreprise de lui-même. Il abandonna finalement l'idée de la cravate, attacha ses cheveux en une queue de cheval et parti.

Une fois arrivé à la Waldon Corporation, il se rendit à son bureau -celui d'Elizabeth quoi- et y déposa ses affaires. Il s'assit sur son fauteuil et farfouilla dans les tiroirs à la quête d'une occupation.
Au bout de dix minutes, n'ayant absolument rien trouvé à faire, il décida d'aller visiter ce lieu étrange. Il s'en alla donc faire un tour des bâtiments. C'est là qu'il tomba sur une porte dont l'écriteau affiché "Bibliothèque". Il sourit, c'était parfait, avec ça, il allait bien trouver de quoi s'occuper.
Il poussa donc la porte et entra. Il commença à marcher entre les rayons, regardant les reliures et cherchant un sujet qui pouvait l'intéresser. Puis au détour d'un rayon, il aperçut une jeune fille qui fixait ce qui ressemblait de loin à un quelconque journal ou programme télévisé, allez savoir.
Il la regarda tranquillement. Elle avait les cheveux noirs et une écharpe autour du cou, comme elle ne le regardait pas, il ne put voir les traits de son visage -quant au reste du corps, cela lui importait peu. En tout cas, elle avait l'air mignonne bien qu'elle sembla se fondre dans l'obscurité des rayons.
Il s'approcha d'elle, un sourire doux aux lèvres, les yeux se perdant quelque peu sur les livres, et la salua poliment :
"Bonjour, mademoiselle."
Et il regarda quel genre de lecture semblait l'intéresser.

Luo, perdue dans des réflexions sur le bonheur en conserve, sursauta lorsqu'elle entendit la voix s'adresser à elle, et referma brusquement le magazine, comme si elle était coupable de quelque chose, de la stupidité du programme ou de sa trop longue rêverie. Elle eut un petit mouvement de tête pour dégager les mèches qui lui tombaient dans les yeux et en replaçant sa barrette, elle releva la tête vers le bel inconnu qui lui avait adressé la parole.
Heu.
Bel inconnu ou belle inconnue, par ailleurs.
Elle fronça les sourcils et pour son interlocuteur, ce devait être comme si elle s'était soudain déconnectée du monde réel tant son regard songeur semblait la mener loin. La chemise était ajustée, et l'être devant elle était pourvu de hanches et de poitrine, et ses cheveux noirs tirés en queue de cheval étaient coupés de manière féminine ; mais il y avait quelque chose d'irrémédiablement masculin dans cette personne, la posture, la voix charmeuse ou le regard, peut-être. Le 'mademoiselle'. Le fait que cette fille qui faisait pourtant sa taille lui semblait plus grande, les épaules plus larges, le regard habitué à balayer des horizons plus lointains. Et puis le ton dont i... dont elle avait prononcé ces mots, aussi.
Elle s'aperçut soudain que sa rêverie avait peut-être été trop longue et son regard reprit son étincelle habituelle, et elle se reconcentra sur le visage de l'être humain devant elle, et se demanda ce qu'elle était sensée répondre.
Elle sembla donc, en toute logique, perplexe.
" Hem... Bonjour. "
Ne nous risquons pas à dire un genre.
Bêtement, elle jeta un regard derrière elle, sur les côtés, comme si l'être unisexe pouvait s'adresser à quelqu'un d'autre qu'à elle, et, en désespoir de cause, se rabattit sur un traditionnel :
" Vous désirez quelque chose...? "
Qui la ferait d'avantage passer pour une bibliothécaire qu'autre chose, mais passons.

Christopher ne baissa les yeux vers la jeune fille alors qu'il la sentit vaguement sursauter et qu'un bruit de page s'entrechoquant rapidement se fit entendre. La jeune fille ne répondait pas mais ce n'était pas grave, au fond Christopher savait bien que son allure pouvait sembler étrange mais il était incapable de se comporter comme une femme alors il faisait avec. Ses yeux continuèrent de fixer les reliures, comme s'il cherchait quelque chose bien qu'il ne sache pas quoi.
"Hem... Bonjour."
Il tourna son regard vers elle et la dévisagea tendrement. Oui, elle était vraiment mignonne avec la simplicité de ses traits et il ne lui semblait pas voir de maquillage, mais peut-être se trompait-il, on ne sait jamais vraiment quand il fait sombre... Puis elle regarda sur les côtés. IL faisait si peur que ça ? Il espérait bien que non ! Quel horreur si c'était le cas ! Ah... qu'il regrettait sa blondeur enfantine et son corps masculin... Là, il avait plus l'air d'un transsexuel qu'autre chose... -bien qu'il espérasse que non.
"Vous désirez quelque chose...?"
Ah ? Pourtant elle n'avait pas l'air d'une bibliothécaire... N'avaient-elles pas toutes des lunettes et ou un chignon ? Et puis un gros livre à la main, pas un programme télé, non ? Après... il était sûrement dans le gros cliché mais bon. Il sourit doucement. S'il ne se trompait pas sur sa non-profession c'est qu'elle devait vraiment n'avoir rien d'autres à lui dire. En même temps, il n'y avait rien à dire. Il garda son doux sourire et répondit simplement :
"Non, rien en particulier, je m'ennuyais juste à mon bureau."
Puis il reparcourut les étagères du regard. Oui, pour s'ennuyer, il s'ennuyait et c'était même bien plus que ça. Il soupira légèrement, aucun de ses livres ne lui donner envie, il demanda donc simplement avec une voix mi-fatiguée mi-ennuyée mais qui restée belle à entendre :
"Que faites-vous quand l'ennuie s'acharne sur vous, mademoiselle ?"
Il rebaissa les yeux vers elle, son sourire toujours aux lèvres. Peut-être aurait-elle une bonne idée pour contrer ce dure et pénible ennui.

" Hem... Généralement, je dors. "
Oui, bon, comme ça, ça faisait très remballage sec et cliché, mais bon.
Que pouvait-elle dire? C'était la réalité. Et puis elle ne se sentait pas d'humeur à improviser une réponse normale comme 'je fais du sudoku' ou 'je me compte les cheveux' ou même 'je refais ma pédicure', en partie parce que se faire draguer par un(e) transsexuel(le) ne faisait pas partie de ses fantasmes et qu'elle n'avait surtout pas envie de continuer dans cette voix. L'inconnu(e) n'était pas désagréable à regarder, avait une belle voix grave de chanteuse de jazz des années trente ( ou peut-être était-ce elle qui voyait trop de références aux années trente ces temps-ci ) et curieusement semblait la dépasser de vingt centimètres bien qu'il - ou elle - ne la dépasse réellement que de cinq, tout au plus, mais non, réellement non, elle ne comptait pas se faire inviter à une petite surprise-party chez les lesbiennes de la Waldon et décida qu'il valait mieux avir l'air aussi strictement orientée 'garçons' que possible. ( je suis désolée, christopher, mais ce serait difficile pour Luo de comprendre la situation immédiate du premier coup d'oeil, aussi, pour elle, tu es à présent lesbienne. ça doit être dur pour ta fierté de mâle mais c'est comme ça )
Elle releva un peu le regard vers Christopher. Bon, visiblement, ceci ne serait pas un réponse suffisante et si elle ne voulait pas culpabiliser d'avoir envoyé ballader une lesbienne solitaire toute la journée, il allait falloir qu'elle développe la conversation. Et puis c'était quoi cette question formulée comme au dix-neuvième siècle aussi...?
Elle toussota et explicita donc :
" ... en fait mon supérieur n'est jamais là - John Rose, vous le connaissez? c'est le directeur adjoint, un blond qui mange des cookies - alors il faut que je m'occupe quand il n'est pas là. Donc j'ai souvent quelques somnifères dans mon sac, parce que j'aime bien dormir et... "
Blanc.
Bon, avec ça si elle ne partait pas en courant.

La réponse de la jeune fille le troubla, elle dormait donc quand elle s'ennuyait. C'était une façon de voir les choses et une activité très reposante alors, au fond, pourquoi pas... Il se demanda s'il arriverait à dormir comme ça, chaque fois qu'il s'ennuyait... non, décidément, dormir n'était pas trop son truc. Et puis, il "dormait" en quelque sorte un peu trop quand Elizabeth possédait son corps, c'est pourquoi quand il était vraiment "réveillé", il dormait rarement.
Un toussotement le sortit de sa torpeur.
" ... en fait mon supérieur n'est jamais là - John Rose, vous le connaissez? c'est le directeur adjoint, un blond qui mange des cookies - alors il faut que je m'occupe quand il n'est pas là. Donc j'ai souvent quelques somnifères dans mon sac, parce que j'aime bien dormir et... "
Puis la jeune fille s'arrêta et ne sembla pas vouloir continuer. Il médita donc vite fait ses paroles. Elle était donc, il crut deviner, la secrétaire du directeur adjoint, un gamin blond qui mangeait des sucreries, et comme il n'était pas souvent là, elle s'occupait en s'endormant avec des somnifères... Wah.
Il dut prendre inconsciemment un air un peu surpris car il ne s'en rendit pas compte tout de suite. Au bout de quelques secondes, il se reprit et répondit en souriant tendrement :
"Je vois... votre supérieur n'a pas l'air facile à vivre. Mais si vous aimez dormir, alors tant mieux..."
Et puis il ne sut pas quoi rajouter. Après, le fait qu'elle aime dormir ou qu'elle ait des somnifères sur elle ne le choqua pas le moindre du monde, il était juste légèrement surpris. Après tout, il était bien un homme dans le corps d'une jeune femme, corps qu'il partageait avec une gamine joueuse et une jeune femme mangeuse d'homme.
Sans perdre son sourire, il se contenta d'ajouter avec politesse :
"Christopher Day, enchanté. Puis-je connaître votre nom ?"
Puis il tendit sa main avec élégance, il restait un jeune homme élevé de manière aristocratique, il voulait donc embrasser avec toute la grâce et pudeur qu'il avait, la charmante main que la jeune fille daignerait lui tendre. Ou non.

[Comme je l'ai dit à la fin de ma réponse à John et Zach : je suis vraiment désolée de ce retard impardonnable ! Je ferais de mon mieux pour répondre plus vite la prochaine fois !]

Christopher, ça n'était pas un nom de femme. Brillante réflexion, je sais. Elle n'avait pas pu mal comprendre, tout de même. Il n'avait pas pu dire Christina ou Catherine. Elle n'était pas sourde à ce point. Il lui avait dit un nom d'homme. Il ou elle, en fait, parce que la chose en face d'elle avait le nom et les manières d'un homme assortis à la voix et aux courbes d'une femme. Ah, Freud aurait sans doute adoré. On fait quoi du complexe d'Oedipe dans cette situation-là, hein? Haha, j'te pose une colle!
Luo pensait à toutes ces choses stupides histoires d'oublier qu'elle n'avait jamais rencontré quelqu'un dont le genre était plus flou que celui de ce type, et que d'accord, la nouveauté c'est cool, mais elle était un peu trop perdue là tout de suite pour apprécier l'aventure. Se faire draguer par quelqu'un dont on ignore le genre, c'est tout de même un peu perturbant. Légèrement. Elle fronça les sourcils devant cette main tendue.
Voyez vous, il y a différentes manières de tendre une main. Il y a la manière 'j'te serre la main' où la main est légèrement penchée sur le côté pour attraper la tienne et où le pouce s'écarte un peu pour faire gentil et cordial, et puis il y a la version 'j'te tend la main pour qu'on aille courir dans les champs ensemble' et malheureusement elle faisait face à celle-là. Bon, si nous étions dans la tête de Christopher, nous saurions que c'est pour un baisemain. Mais Luo ne sait pas. Donc elle voit ça comme ça. Bref.
Face à cette main et à ce personnage intriguant, donc, Luo décida que pour une fois, elle allait jouer à la personne normale.
Elle prit la main de Christopher et, haha, feinte, la serra. Avant qu'un quelconque autre geste ait pu être amorcé. Ça aurait pu être pris pour un râteau d'ailleurs, c'était surtout qu'elle ne voyait pas quoi faire d'autre de cette main que de la serrer. En fait, elle était même carrément logique. Ça lui ressemblait pas.
Et puis tout ça commençait à devenir fichtrement compliqué alors, se jouant des convenances, parce qu'elle savait que sinon elle ne dormirait pas de la nuit, elle décida d'être très impolie et de poser la question qui s'imposait, avec le froncement de sourcils de circonstance.
" Excusez-moi de mon impolitesse, mais... Vous êtes un homme ou une femme, au juste? "
Tout ceci en zappant de manière sublime la question de Christopher, parce que toute à ses réflexions métaphysiques sur son genre, elle en avait oublié de l'écouter.

[ désoléééée, c'est court et écrit à l'arrache et sûrement très stupide parce qu'il est tard! > < ]

[Je suis désolée ! Finalement je n'ai pas répondu plus vite, au contraire ! En plus c'est court TT]

La jeune fille parut déconcerter par sa main. Peut-être n'avait-elle jamais été en compagnie d'un aristocratique ou d'un bourgeois bien élevé ? Cela expliquerait qu'elle n'ait jamais pris connaissance de ce qu'était un baisemain. Ce fut sur cette réflexion que la jeune fille prit sa main et la serra. Christopher ne réagit pas, tant pis pour elle, il avait tout à coup la flemme immense d'insister, il avait autre chose à faire que lui apprendre la vie... ou pas. En fait il n'avait rien à faire. Mais avant qu'il ne se décide ou pas à lui expliquer ce geste, elle lui posa une question avec un ton particulier, mais au vu de la question...
"Excusez-moi de mon impolitesse, mais... Vous êtes un homme ou une femme, au juste?"
Malheureusement pour Christopher, dans ce genre de situation, on parle plus vite que l'on ne pense, c'est pourquoi sa réponse fusa naturellement, sans aucune hésitation :
"Je suis un homme."
Maintenant qu'il l'avait dit, comment allait-il bien pouvoir expliquer les formes de son corps ? Mon dieu que sa blondeur lui manquait... Ses abdos plus que sa couleur de cheveux, certes, mais tout de même ! Et puis un homme normalement constitué -parce que oui, Christopher ne pouvait plus se dire ainsi...- ne devrait-il pas être choqué par une question pareille ? D'autant plus que c'est très blessant pour sa virilité. Mais il parla encore une fois trop vite.
"Mais je comprends votre question, c'est... très compliqué."
Il tourna la tête, fixant les bordures des livres. De plus, cette charmante jeune fille n'avait pas répondu à sa question.
"Sinon... Puis-je avoir une réponse à ma dernière question ? J'apprécie beaucoup de pouvoir mettre un nom sur chacune de mes rencontres."
En fait, en y pensant bien, Christopher était l'exact opposé d'Innocent, non ? Pas étonnant qu'ils s'entendent si peu...