Luna arriva en catastrophe dans le hall d'entrée de la Waldon, des sacs Harrod's plein les bras.

Aujourd'hui, comme quoi tout arrive un jour, elle s'était levée tôt faite toute belle. Car aujourd'hui, pour la 48 ème fois environ depuis le début du mois, elle allait faire du shopping. Et elle en avait fait! Mais, au rayon Zadig & Voltaire, elle se rendait compte que quelque chose n'allait pas. Et, alors qu'elle hésitait entre une veste kaki et une veste kaki et beige, elle s'était souvenue de la Waldon Corp. Son nouveau travail.
Le lundi, elle bossait, non? Oui. Et on était lundi. Mer... Credi!

Elle avait alors couru jusqu'à la caisse, embarquant au final les deux vestes, en plus d'une robe, d'un short et de 5 tee-shirt. Sans oublier une paire d'escarpin rose à paillettes violettes, of cûrse.

Et la voilà donc, après cette merveilleuse épopée, dans l'entrée de l'entreprise, toujours parfaitement belle, parfaitement coiffée et avec un maintien parfait. Bien qu'ayant un visage un peu rouge, la faute à sa course effrénée dans la capitale. Mais bref.

Elle avança alors dans les couloirs, arriva dans son bureau, posa ses sacs, regarda autour d'elle, sortit une petite trousse à poils roses vif de son sac à main, re-regarda autour d'elle et finalement redescendit dans le hall, trouvant que les gens autour d'elle faisant semblant de travailler nuisait à son karma.

Elle s'essayât alors sur une chaise, dans une pose diablement sexy, au milieu de la foule qui passaient et repassaient en la regardant. Que faisait une bimbo blonde, en mini-jupe, haut de bikini argenté et tee-shirt blanc en broderie anglaise dans le hall d'entrée d'une grande entreprise tout ce qu'il y' a de plus sérieux (Ou presque.) ?

Mais bref.

Elle ouvrit alors sa petite trousse rose et regarda dedans. Des dizaines de flacons de vernis merveilleusement multicolore s'entassaient dedans. Hallejujah.
Le choix fut rude, certes, mais enfin, elle sortit un flacon du même rose que sa trousse (mais sans les poils), en forme d'étoiles. Puis un flacon orange stabilo édition collector.
Elle mit les deux pots en face d'elle et prit une pose qui se voulait intelligente, en fronçant les sourcils et en croisant les jambes, les bras, les orteils du pied droit et tout le tralala. Pose qui aurait put être crédible si seulement le haut de bikini ne brillait pas de mille feux sous le tee-shirt.

Mais, vraiment, sans ça, elle aurait put avoir l'air intelligente.

Une minute passa.

On aurait presque dit qu'elle se concentrait.

Sept minutes passèrent.

Mais c'était impossible, voyons. Si Luna était capable de réfléchir, ça se saurait su. Et ça aurait été trop beau. Haha. Quelle blague.

Douze minutes passèrent.

Elle restait encore immobile. Un fan d' Harry Potter aurait put parler d'un sortilège de stupéfixion quelconque.

Seize minutes passèrent encore.

Elle respirait, au moins?

Finalement, Elle décroisa les bras, les jambes et les orteils du pied droit et soupira en clignant des yeux.

Elle rangea le flacon rose dans sa trousse à poils. Dieu seul sait (car Luna a sûrement déjà oublié) quel combat intérieur elle avait subi mais il avait laissé des séquelles, puisqu'elle hocha alors la tête en soupirant d'un air déçu, telle une échappée de l'asile, qui se trouvait à deux rue de la Waldon.

Elle voulut après attraper le vernis orange stabilo édition collector, sans doute pour s'en tartiner élégamment les ongles.
Mais malheureusement, le vernis orange stabilo édition collector avait... Un design d'édition collector. C'est à dire tout rond et pas carré du tout, sans parcelle plate pour le poser de manière stable quelque part. Aussi à peine l'eût-elle effleuré que le flacon orange stabilo (édition collector) tomba par terre dans un petit bruit et se mit à rouler vers une terre inconnue, au milieu de la foule en costard-cravate.
Luna se leva et observa d'un air inquiet le petit pot fluo rouler, rouler...

Elle poussa un juron.

Puis deux.

Puis trois.

Et encore quatre, cinq, six, de plus en plus fort et de plus en plus grossier, telle qu'elle devint carrément vulgaire. Elle poursuivit alors le pot orange.

Et le malheureux flacon roulait, roulait et roulait toujours, esquivant de manière habile les chaussures de luxe noirs vernis qui marchaient en nombre, pause déjeuner oblige, pour finalement s'arrêter au pied d'une minuscule femme aux yeux roses. Des lentilles sans doute. Formidable.

Luna lança un profond regard méprisant -sur lequel elle s'était longuement entraînée, devant la glace de sa salle de bain- à la jeune femme, qui avait l'air tout à fait endormie pour un milieu de journée, au milieu des gens.
Luna décida alors que fusiller la fille du regard ne serait pas de trop, car l'inconnue avait commis un crime des plus grave: elle avait arrêtée un flacon de vernis à ongle orange stabilo édition collector de son pied.

Enfer.

En vérité, les yeux de Luo n'étaient pas vraiment roses. A l'origine, ses lentilles étaient même plutôt mauves - du moins c'était un beau regard violet que montrait l'emballage - mais avec le temps et sans doute la mauvaise qualité du matériel celles-ci avaient viré rose, et ses pupilles arboraient une étrange couleur pastel à présent.
Ce jour-là, Ludivine Lewis était visiblement inspirée ; sa tenue aurait fait pleurer des larmes de sang à son supérieur, mais ça, on s'en fichait, parce que de toute façon John Rose n'était jamais là. Elle avait étalé un vague mascara à paillettes sur ses cils bleu marine - vous connaissez la teinture pour cils? - et une étoile avait été dessinée au glitter argenté sur sa pommette, ce qui grattait un peu mais était très joli ( et très perturbant pour ceux qui la croisaient ) ; elle avait piqué une fleur synthétique achetée à un euro dans un souk derrière son oreille et ses cheveux se souvenaient encore des reflets bleu marine de sa teinture du mois dernier. Il n'y avait que Luo pour trouver tout ça très bien assorti, mais elle y mettait tellement de convictin que ça aurait presque pu passer pour une tenue normale. Elle avait une robe rose cintrée, coupée court, nouée par un ruban noir, avec un motif veilliot et délavé, des collants couleur de cils avec des pois foncés, un gilet assorti et ses éternelles bottes en plastique argentées. Ses ongles arboraient un million de petites étoiles et ses mains ployaient sous les bagues et les bracelets bleus, blancs, roses, argentés. Elle paraissait très contente d'elle, et replaçait d'un air pensif une bague ornée d'un ruban autour de son annulaire, lorsque ses yeux captèrent un flacon de vernis orange qui s'échappait entre les jambes des passants et filait vers la fontaine. Elle le regarda avec curiosité déjouer les plans des diverses chaussures pour l'arrêter avant de relever le nez de quelques centimètres et d'apercevoir la chose qui lui courait après. C'était une sorte de bimbo qui avait un jour du être blonde et dont vingt centimètres de cheveux dépassaient sous une vieille coloration rose. Luo, en bonne maniaque des cheveux, ne put qu'admirer le travail. Le blond platine qui se décomposait délicatement en rose pastel, c'était sans doute involontaire, mais ça touchait son sens artistique. Le vernis orange, elle adhérait moins - les couleurs de Luo c'était le vert, le bleu, le violet, le rose - mais malgré tout, puisqu'elle n'avait rien à faire, puisque ce jour-là encore elle était désoeuvrée, elle leva sa botte en plastique et du pied arrêta le flacon.
Sa bimbo de propriétaire releva ses mèches roses et pour une obscure raison, lui lança un regard mauvais. Peut-être que la tenue de Luo lui faisait mal et qu'elle comptait le lui montrer. Allez savoir.
Luo se baissa et attrapa le flacon de vernis, faisant cliqueter ses bracelets, le tendant à Barbie au Pays des Poneys.
" Le rose et l'orange s'assortissent mal " prévint-elle tout de même la jeune fille ( ce qui était assez ironique dans on voyait la manière dont elle-même était habillée ).

Luna regarda la naine bleu marine avec un air de dégoût.

"Le rose et l'orange s'assortissent mal."

La naine lui parlait! Dingue, non?! Comment osait-elle, avec ses cils bleu et sa fleur dans les cheveux?! Décidément, à Londres, les gens se croyaient tout permis. Jamais, ô grand jamais une fille aussi bizarre que celle en face d'elle lui aurait adresser la parole. Jamais elle n'aurait osé, voyons!

"Je ne reçoit pas de conseils vestimentaires des filles qui osent encore sortir de chez eux avec des bottes argentées absolument hideuses, merci." rétorqua aussitôt la fausse-rosette d'un air sec et méchant.

Limite elle grognait, tellement elle se sentait énervée et outrée par cette chose immonde pleine de paillettes en face d'elle, qui la regardait d'un air curieux.

Et puis en plus, maintenant, elle avait mal à la tête. Tout ça à cause de la phrase hautement intellectuelle qu'elle avait sortie. Deux mot de quatres syllabes dans la même phrase, vous rendez-vous compte?!

"Tu t'appelles?
-Luo.
-Ok. Luna."

Et Luna regardait fixement Luo dans les yeux, et Luo ne cillait pas.

Elles se regardaient comme deux filles qui vont se taper dessus dans moins de trente secondes.

Comme deux filles qui vont s'arracher les cheveux bientôt.

Comme..

"Mon-ver-nis." Prononça Luna.

Luo la regarda.

"Rend-moi-mon-vernis-édition-collector-merci."

Luna parlait comme un robot, c'était pas glamour, mais elle n'y pouvait rien. Elle était inquiète pour son vernis orange stabilo édition collector, zut de zut!

Elle était vraiment étrange, cette fille en face d'elle. Luo avait déjà rencontré ce type de bimbos écervelées lors de sa malheureuse expérience du lycée et en était sortie avec l'idée que quoi qu'on en dise, la majorité des blondes était tout de même réellement stupide, et pensait n'avoir plus à fricoter avec elles une fois rentrée dans sa vie professionnelle, mais visiblement, les imbéciles étaient partout. Pas qu'elle ait quelque chose contre les imbéciles, hein. Il y en avait un de remarquablement blond juste au dessus d'elle dans sa hiérarchie. Mais ceci est une autre histoire. Elle examina donc la chose en face d'elle comme un spécimen particulièrement intéressant. Visiblement, le fait d'avoir aligné un ou deux mots relativement compliqués dans sa phrase lui avait mis le cerveau à l'envers, car quelques secondes plus tard, elle semblait toujours tenter de comprendre ce qu'elle venait juste de dire. Luo, dans sa clémence, décida de lui accorder quelques minutes supplémentaires et d'essayer de ne pas dire de choses compliquées, après tout, elle se sentirait coupable si la fille faisait une rupture d'anévrisme à cause d'elle.
La blonde qui était aussi un peu rose tendit la main et sembla attendre, au vu de la phrase complexe qui avait du requérir vingt-quatre-heures d'entraînement préalable qu'elle venait de lui sortir, qu'elle lui rende son vernis. Non, pardon. Son immonde vernis. Ah oui, parce que du orange stabilo, c'était vraiment pas glamour. A la rigueur, un bel orange doux, pêche, journée d'été, ou un beau jaune-orangé pétillant, elle aurait pu lui pardonner.
Mais un orange STABILO.
Edition COLLECTOR.
Non, vraiment, elle ne pouvait laisser ça. Elle prit le flacon, l'examina, comme si elle examinait la possibilité de le rendre à sa propriétaire qui insistait. Qu'elle fasse gaffe, trop de pression et son cerveau allait exploser. Elle le retourna entre ses doigts. Non, immonde, vraiment. Qui pouvait porter un orange pareil, hein? Même le mauvais goût de Luo ne parvenait pas à trouver cette couleur correcte.
Elle réfléchit encore un instant, regarda la fille, leva la main. Sembla la lui tendre.
Puis, prit un léger recul et balança le vernis dans la fontaine. Il y arriva avec un petit plop satisfaisant.
" Non, vraiment, il était trop moche " expliqua-t-elle en souriant.

Luna regardait Luo d'un air curieux. Elle avait l'air de réfléchir, ce qui lui semblait bizarre, et elle regardait son flacon de vernis orange stabilo édition collector avec un air méchant. La blonde commençait à avoir peur.

Tout à coup, Luo eut comme un froncement de sourcil. Elle regarda la main tendue vers elle de Luna, le genre de main tendue qui te disent de rendre le vernis rapidement sous peine d'explosion.

Elle vit le vernis se rapprocher d'elle et... Voler, avant de tomber dans la fontaine.

Luna passa dans la seconde en mode bug.

Son vernis, oui, c'était son vernis qui venait de faire un plouf dans la fontaine.

Son vernis.

Edition collector.

Le vernis qui lui avait coûté autant qu'une robe de chez Chanel, voir plus. Ah mais nan, c'était pas possible, ça! Pourquoi lui?!

Et en plus, cette chose, en face d'elle, Luo-machin, avait dit qu'il était... Moche?! Bon, déjà, elle savait qui elle n'aimait pas dans cette entreprise.

"Moche?! Nan mais pour qui tu te prends?! Tu as une fleur dans les cheveux et tu oses me parler, à moi, à ma magnificence suprême?! Et en plus, comble de tout, tu oses jeter un vernis, mon vernis dans une... Fontaine?! Nan mais c'est quoi ton problème?!"

Non, Luna n'était pas comme ça d'habitude. Mais la, son cerveau avait légèrement disjoncté. Comprenez donc, le vernis était dans la fontaine, sous l'eau, au milieu des carpes!

Y avait-il des carpes dans la fontaine?!

Aucune importance. Elle enleva ses belles chaussures et plongea ses mains dans la fontaine (faut comprendre le rapport.). Elle n'irait dedans que si elle était vraiment, vraiment obligée. Le maquillage était particulièrement réussit, aujourd'hui.

Si Luo avait eu un jean baggy et un blouson en cuir, elle y aurait nonchalamment fourré ses mains et aurait regardé Luna en ricanant. Naturellement, elle ne le fit pas, mais l'intention y était totalement.
Luo était un être pacifique, à la base. Faire le mal pour faire le mal, c'était pas son truc. Elle aimait courir dans les bois, se teindre les cheveux à quatre heures du matin au dessus de sa baignoire et manger des bonbons la nuit en regardant de vieux films de série B, lire des romans à l'eau de rose, marcher dans la rue et se prendre des poteaux parce qu'elle rêvait, boire de la vodka-limonade et être pompette toute seule chez elle. Mais parfois, de temps en temps, sa nature d'être de chair et d'os refaisait surface et elle avait besoin de provoquer la souffrance. Et ce vernis orange était vraiment trop moche pour ne pas réveiller ses pulsions. Désolée, Luna.
" J'ai peut-être une rose dans les cheveux mais mes cheveux ne sont pas roses " fit Luo d'un air éloquent - sa phrase ne voulait pas dire grand chose mais elle la trouvait classe et elle avait envie de la dire - en regardant Luna, attendant l'incompréhension qui n'allait pas tarder à venir. C'était peut-être une impression mais Luna n'avait pas l'air très intelligente.
Hum. Sûrement une impression.
Elle s'approcha de la fontaine pour reluquer Luna en train de chercher son vernis d'un air désespéré. En fait, il était tombé carrément de l'autre côté, mais ça, elle se gardait bien de le dire. C'était beaucoup plus drôle de voir cette pauvre fille le chercher quelque part où elle ne le trouverait jamais. Elle risquait peut-être de se faire poignarder par une chaussure à talons, mais à part ça, la situation était plutôt amusante.
Elle se rapprocha, donc. Regarda Luna avec curiosité.
" Pourquoi tu as enlevé tes chaussures si tu ne met pas tes pieds dans la fontaine? " fit-elle au bout de quelques instants d'observation approfondie du phénomène, comme si c'était la question la plus importante à poser.
( Tout le monde sait que la vraie question c'est : y a-t-il des carpes dans la fontaine? )

[ Mon post est très bizarre, je suis fatiguée, mais je me suis mis comme objectif de te répondre ce soir xD Donc euh... J'ai pas relu alors... Voilà. ]

Luna était quelque peu -mais juste quelque peu- stupide. La plupart du temps, elle se contentait juste de mépriser les gens sans comprendre qu'en fait, c'était les gens qui se moquaient d'elle. Et pourtant, Cette espèce de chose immonde en face d'elle, là, elle avait juste l'impression qu'elle se foutait royalement, mais ro-ya-le-ment de sa gueule.

En ce moment, la façon de Luo de la regarder semblait dire "Mais décidemment, quelle débile, cette fille! Hahaha."

Bon, le Hahaha n'était peut-être pas obligatoire, mais c'était pour insister sur le côté ringard de ce Truc. Parce que franchement, qui dit encore Hahaha de nos jours, à part les ploucs?!

C'est ce que pensais Luna, du moins.

Mais elle se rendit alors compte que les découvertes existentielles qu'elle faisait, c'était sympa, mais ça ne répondait pas à la question des carpes. Parce que ça faisait cinq bonnes minutes qu'elle gesticulait dans tous les sens sans rien trouver. Et elle aurait été tenté de mettre aussi ses pieds dans la fontaine pour chercher plus vite, mais... Restait le problème des horribles petits poissons qui sautent et mangent les pauvres petites blondes stupi... Innocentes.

Bref. Luna décida de répondre quand même à la question débile de Luo sur le pourquoi du comment elle enlevait ses chaussures. Non mais c'est pas possible d'être aussi simple d'esprit!

Elle dit donc, en levant ses yeux au ciel -ce qui était une piètre tentative; on avait en fait plus l'impression qu'elle entrait en transe, avec les prunelles qui roulaient dangereusement dans ses orbites.

"Ben voyons. J'enlève mes chaussures parce que je ne veux pas les mouiller, tiens! Si jamais les carpes m'attrapent et me jettent à l'eau! Il faut prévenir le danger, quand on explore une terre inconnue!"

Puis elle retourna à son occupation première. A savoir brasser l'eau pour retrouver son sublime et divin vernis à ongle orange stabilo édition collector.

Elle l'aurait un jour, elle l'aurait!