C’est ainsi que débarqua la jeune Ambrosia, bien surchargée, sa démarche de mannequin était quelque peu encombrée en effet. Elle tanguait, avançait avec difficulté en battant des hanches, il se trouvait que deux énormes pots de peintures pendaient au bout de ses bras. Ils semblaient disproportionnés face aux bras plutôt maigre de la jeune fille. Ainsi, bataillait-elle pour les transporter dans un coin, en bas des marches, où elle reviendrait les chercher au besoin. Mais là, elle n’en avait pas vraiment besoin, ils étaient bien tenus les murs de cet établissement, ils n’avaient pas besoin d’un nouveau coup de pinceau. Voilà pourquoi elle irait dissimuler ses outils, se baladerait discrètement, histoire de faire le tour du propriétaire puis verrait si elle faisait semblant de travailler ou si la langueur continuerait à circuler dans ses veines. Mais pour l’instant l’idée était de planquée les pots au plus proche et de résister à la tentation d’y gouter.

A vrai dire, elle s’était étranglée en découvrant la tache qui lui était assignée. Elle eut quelques minutes de vide intersidéral. Elle ?! Ca ?! Elle avait sourit, un sourire, un faux rire qui sonnait faut. Mais en face d’elle, on ne souriait pas, on tirait la gueule. Elle avait pris contenance, ramassée de ses doigt fin sa dignité brisée et était repartie. La main sur la poignée du bureau elle espérait encore avoir le loisir d’entendre « Revenez, c’était une blague. »
Et même là, encore, elle espérait que c’était une boutade, un test, vous savez, ça se fait au nouveau. C’était un bizutage, hein ? C’est ça ? Certes, elle pouvait se goinfrer de peinture mais quand même… Elle, elle préférée l’aquarelle.

Eh bien, en voilà une bizarrerie ! C’est en pestant dans son fort intérieur qu’elle avait fini par levé le nez de ses pensée, et elle s’aperçue qu’une petite chose maigrelette aux cheveux étranges pataugeait dans la fontaine décorative de l’entreprise. Déjà, une fontaine décorative en plein milieu du hall, c’était pas jojo, ni la fontaine ni la nana qui s’agitait à l’intérieure, elle – oui, c’était bien elle- semblait regarder au fond du bassin, bravant l’océan artificiel.

« Heu… Vous cherchez quelque chose ? »
Dans une fontaine, naturellement.

La seule chose qui n’est pas insolite dans une fontaine, à part de l’eau, c’est les pièces de monnaie qu’on jette pour, soi-disant, y revenir un jour. Vieille superstition que la moderne Ambrosia ne daignait comprendre. Et pourtant, ici, c’était pas l’genre d’endroit où on avait envie d’revenir…

Elle ne s’offusqua pas du long regard vide que la gamine posa sur elle avant de parler. Elle ne l’avait pas remarqué au départ semblait t-il. Une nana en robe rouge avec deux énormes pots de peintures face à des bras frêles… Ca se remarquait, non ? Apparemment pas. M’enfin, il semblait que ce fut la chose la plus normale que fouiller l’eau d’une fontaine, donc, ce n’était pas elle et son air méprisant et distingué qui allaient étonné la gamine aux cheveux… Violet. C’était donc ça les reflets un peu bizarres.
Elle s’adressa à elle, expliqua son aventure de bracelet qui tombe du haut du bureau. Pendant le court instant où elle parla, Ambrosia la détailla à loisir, de plus en plus choquée alors qu’elle détaillait la fille en face d’elle. C’était une droguée ou quoi cette nana ? Ils l’avaient trouvé dans une poubelle ? Elle avait déjà vu ce genre de style qui mélange les formes et les couleurs, mais d’habitude, ça peut donner une certaine harmonie. Et là, sur son corps frêle, c’était tout désordonné, un désordre artistique auquel Ambrosia n’adhérait pas, certes, mais elle, elle retenait le désordre. Puis ces cheveux… Si on a des cheveux sur la tête, c’est pour s’en occupé. Aussitôt elle mourut d’envie de l’amener chez le coiffeur.
Certes non elle ne le ferait pas…

Elle s’étonnait de sa peinture, en attendant, ce n’est pas elle qui pataugeait dans une fontaine.
« Heu… Je n’ai pas l’impression non, elle a l’air très bien l’entreprise. »
C’est vrai quoi, elle était en parfaite état, et elle, l’idée qu’elle avait de la peinture au bout des doigts lui titillait les papilles. Et puis, c’est qu’elle était vachement lourde cette peinture. Elle les posa délicatement sur le sol en fille bien élevée et bien distinguée contrairement à la demoiselle en face d’elle. Montrons l’exemple, voilà, comme ça, bien doucement sur le sol, dans un cliquetis de pot contre un parquet. Même si, elle se l’avouait à elle-même, elle aurait préféré tout larguer du haut de ses bras, dans un bruit de casserole qui tombe et une cacophonie sans précédent. Tout n’aurait eut qu’à se rependre par terre, ça n’aurait pas été une si grande perte. Elle aurait p’tet même réussit à y gouter un peu dans toute l’agitation.

Et puis, elle haussa les épaules. « Et puis, j’aime bien me balader avec de la peinture. »
Ce n’était pas vrai, mais elle aimait bien la peinture quand même. Le fait qu’elle aurait préféré se pendre qu’avouer la tache qu’on lui avait assignée dans l’entreprise rentrait énormément en mir de compte. Donc, question idiote, réponse idiote. A la prochaine question du genre au moins, elle saurait quoi répondre « J’aime la peinture. » De toute façon, elle, elle n’était pas là pour bosser, hein ?

Elle s’approcha du bassin. « Alors ? Il est comment ce bracelet ? » Pas étonnant qu’elle perde les bracelets vu la taille des cures dents qui lui servent de poignets.
Elle scruta le fond de l’eau. Rien. Bon. « Vous voulez que je vous aide ? »Elle cacherait la peinture plus tard, et ça lui faisait un alibi pour ne rien foutre.

En effet les poignets de la gamine étaient bien frêles, pourtant ils portaient une multitude d’accessoire. Ambrosia se fit la réflexion que ce devait être lourd autant de bling-bling. Elle haussa les épaules. Et puis quoi ? C’était son problème après tout. Alors, la jeune fille lui décrivait le bracelet. Un truc en or avec un papillon, rêvait-elle ? Ca n’allait vraiment pas avec tout ce qui n’allait déjà pas ensemble sur ses poignets. Ca pourrait-être joli, mais pas comme ça, mais c’était toujours artistiquement bizarre et surchargé et brouillon. Ca dépaysait notre Ambrosia qui aimait toujours les choses les plus simples, les plus épurées. Elle regardait avec des yeux grands ouverts la jeune fille, elle se demandait bien qu’est ce que c’était que ce personnage là. Mais, comme elle se rendit compte que fixer les gens comme ça, ce n’était ni distingué ni poli elle arrêta à l’instant même.

C’est ainsi que son aide fut accepter. Et puis, innocemment, son interlocutrice dit " Mais je suis pas sûre que vous ayez vraiment la bonne tenue pour patauger dans une fontaine "
Et, si Ambrosia avait l’air hautain des anglais. Le goût de la mode et du thé anglais. La façon flegmatique de se tenir comme une anglaise. Si elle connaissait Londres par cœur, qu’elle était un manuel fashion et touristique à elle seule. Si elle était très distingué et tout le flon-flon, petit déjeunés anglais, le dos droit et la bouche pincée, vous connaissez la rengaine anglaise. Elle, elle avait hérité d’un truc typiquement espagnol c’était le sang-chaud, si miss-je-ne-sais-pas-me-faire-des-colorations croyait qu’elle avait peur de se mouiller un peu. Et d’un air bravache et sans réplique elle lui répondit.
« Qu’est ce que t’en sais, t’es en scaphandrier peut-être? »
Elle releva donc les pants de sa robe, qui ressemblait, en effet, à une robe de flamenco, enfin, c’était surtout son apparence typiquement Espagnole qui donnait cette impression. Elle retira ses chaussures, des ravissants escarpins noirs ! Talons hauts et fins ! Ils n’étaient pas donnés, mais donnait un pied raffiné elle les avait acheté dans ce fabuleux magasin à l’angle de… Mais je m’égare. Ainsi elle ôta les merveilleuses chaussures. Et, robe remontée jusqu’à la cuisse de manière outrancière, elle enfonça un premier pied dans l’eau.
« Ah ! C’est froid ! »
Elle avait était franchement étonnée, mais elle avait tenté de garder le ton froid et l’indifférence anglaise. Ce n’était pas très réussi mais c’était mieux que rien.

Une fois les deux pieds dans l’eau glacée. La robe remontée… Vous en voyez souvent vous, des Espagnoles longilignes dans une fontaine londonienne qui tente de garder un minimum de fierté ? Non, alors respect. La petite lui demande qu’est ce qu’elle en fait de ses pots de peintures. Qu’est ce qu’elle en savait, elle ?
« Qu’est ce que j’en sais ? Les manger ! »
Répondit-elle avec une sorte de mépris, comme si c'était une pure évidence.
De toute façon, elle ne la croirait pas. Et puis, elle ? Peindre ? Elle ne savait pas tenir un pinceau, et puis, peindre les murs c’était salissant et dégradant. Patauger dans une fontaine ce n’était pas salissant, on risquait juste un rhume, et puis une femme trempée c’est très sexy, il suffit de se tenir droit et d’onduler un peu des hanches quand on marche. Alors, non, elle n’avouerait pas qu’on lui a refilé ça pour faire la façade où elle ne sait qu’elle bureau. Et puis, les manger, ce n’était pas une aussi mauvaise idée…