C’était sûrement dans la tête d’Ambrosia mais il y avait une sacrée odeur de brulé dans le coin. Elle disait ça comme ça, mais, c’est qu’elle le pensait. Ca ne sentait pas bon. Qu’est ce qu’on pouvait bien cramer à cette heure ci dans ces locaux si étranges ? Ce n’était pas le moment de faire la cuisine cependant. Alors, le nez en l’air, humant les odeurs qui se présentaient à elle,
Et puis, de toute façon, elle ne savait pas où aller avec son pot de peinture violet et ses talons hauts. Elle n’arrivait pas à marcher, elle titubait, boitillait, à petit pas. Elle tenait péniblement à deux mains un lourd pot de peinture et elle avança ainsi jusqu’à la salle de repos. Elle passa la tête dans l’entrebâillement de la porte. A droite. A gauche. Personne. Elle poussa la porte, redressant son dos meurtri par le poids et les escarpins tant bien que mal. Elle décida enfin de poser le récipient près du fauteuil et sa colonne vertébrale lui criait de s’installer confortablement. Mais elle préférait attendre debout, sûrement que quelqu’un finirait bien par lui dire ce qu’il fallait qu’elle en fasse de tous ces pots de peinture qui lui tombait du ciel. Mais encore personne n’avait porté attention au sort de la jeune femme. Légèrement désemparée elle regarda avec espoir la porte comme si un miracle allait entrer et la soulager de son lourd fardeau. Mais rien ne vient. Rien de rien. Allons bon.
Elle tira nerveusement sur les manches de sa robe, et l’épousseta tout aussi précipitamment. Elle soupira en jaugeant la pièce du regard, mais de toute évidence à part les fauteuils, rien ne l’intéressé. Elle aurait espéré tomber sur un miroir, arranger son maquillage, ses cheveux… Après toute cette trotte avec ce stupide pot de peinture elle devait avoir une sale tête, et sûrement il faudrait arranger les dégâts. M’enfin, elle ne pouvait pas se voir, il ne restait plus qu’à prier pour qu’elle ne soit pas trop affreuse. A son dos qui criait misère, ses pieds se rajoutèrent, alors, avec un flegme qu’elle avait emprunté aux anglais, elle retira ses chaussures. Les examina quelques secondes, elles étaient vernies, noires, toute neuve, et le talon pouvait tuer quelqu’un mais à part ça, ça la faisait rager qu’ils lui fassent si mal. Elle jeta à nouveau quelques coups d’œil nerveux tout en jouant avec le long collier qui pendouillait autour de son cou. De son autre main elle tenait ses inquiétants souliers.
Elle hésitait encore à s’asseoir, s’installer, et attendre. Mais elle préférait attendre debout, elle serait plus réceptive, et semblerait plus volontaire. Ce qu’elle n’était assurément pas. Après que ses doigts aient tripoté son collier, elle les porta devant ses yeux, les étudia attentivement, fronça les sourcils en déduisant qu’ils avaient un grand besoin d’être repeint. Elle aimait bien cette couleur, c’était un rouge foncé, presque marron, mais il allait très bien avec ses tenues. Elles étaient habituellement, blanches, ou rouge vif, avec parfois un peu de noir et de marron, et comme ces couleurs sombres, son verni cassait l’impression pure et vive des couleurs qu’elle avait l’habitude de porter.

Ca y est. La fin de la Waldon. Cris et pleurs dans les couloirs, alors que Mr Halloween passait avec son impacibilité habituelle, lentement, narguant de son visage inexpressif chaque employé désoeuvré, laissant sa cane le guider. Droite, gauche, droite, gauche. Et un 'toc' comme arret lorsqu'il rencontré un obstacle. Et un 'tocAiiie!' lorsqu'il rencontrait une personne distraite.
Facile quoi.
Facile d'être aveugle lorsque l'imprimante du troisième étage brûle à petit feu sous les airs ébahis des gens un peu mous à la détente et sous les crises d'hystérie des secrétaires pressées. Et précisons surtout sa propre à molesse, à notre ami l'aveugle, qui comme si il avait abandonné cette idée folle de rester droit comme un i à se tourner les pouces devant son bureau, à l'affut de la moindre occupation ou d'un rien de service à rendre à qui que ce soit, comme si, tiens, il n'avait même pas envie d'aider les braves gens à éviter un incendis, il se dirigait, comme pour un enterrement, à la salle de repos.
La fin de Kolia Ivanovitch Gabrilov. L'abandon de toutes forces et de toute envie de travailler. Premier pas vers sa déchéance.

Il compta les pas, un, deux, trois, tourna à gauche, quatre, cinq, six, espera qu'il se rappelait bien d'où se trouvait cette fameuse salle et tourna à droite, sa canne se frappant à l'encadrement de la porte, puis entra. Alors que l'odeur de brulé trainait encore dans l'air, une autre odeur désagréable vint lui chatouiller les narines, plus forte, plus proche, et cette odeur il aurait pu la reconnaître entre milles, c'était celle de la peinture.
Il se rappellait que lorsqu'il vivait encore avec elle, sa mère s'était essayé à l'art, et que l'odeur chimique les avait suivis pendant une ou deux années, un peu partout dans leur petit appartement.
Kolia frissonna.
C'était des souvenirs qui lui tenait à coeur, les bonnes années, où sa mère souriait encore et qu'il l'a voyait sourire. Mais quelque part ça le dérangeait, le souvenir de sa mère. Lorsqu'il évoquait cette gêne avec un proche, on lui disait d'un air surpris et évident que c'était normal, presque logique.
Mais lui ne trouvait pas. Il se trouvait même honteux de n'être pas aller la voir, après l'accident.
Soudain triste, il balaya ces pensées d'un froncement se sourcils douloureux, puis avança dans la pièce. Entendit des bruits. S'arrêta.
'' Pardonnez moi, il y a t-il quelqu'un? "

Haa la la!... Cela faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivé, entendre et ressentir clairement l'écrasante gène d'un humanoide gaffeur alors que tout ce qu'il avait demandé était une information pratique, et non pas qu'on s'apitoie sur son sort, ce qui arrivait souvent.
Enfin, la jeune fille -les voix ne trompent jamais - ne semblait pas pleurer des larmes de sang devant son handicap, mais était à première vue écoute gènée par son erreur d'analyse, ce qui est comprehensible.
" Ah, euh, oui, non mais... ''
Vas-y, mon enfant, parle nous, nous t'écoutons!
" Ce n'est pas bien grave. '' c'est juste mère qui m'a mangé les yeux étant adolescent voulut il rajouter avec tranquilité mais se retenant car non, ce n'était pas quelque chose qu'on pouvait dire comme si comme ça et vraiment tranquillement, bien que la chose lui parraissait presque normal - l'habitude, surement.
Mais si il n'avait pas cette habitude stupide de se caler contre un mur, sourire poliment et dire bonjour du bout des lèvres, il aurait bien lancé une remarque moqueuse (pour lui-même bien entendu) au sujet de sa fichue tronche de film d'horreur, histoire de détendre et de faire fuir cette atmosphère pesante.
Ou pas.
Alors il resta Kolia Ivanovitch Gabrilov.
'' Ne vous en faites pas. '' sourit-il poliment (pour faire dans l'original) '' Exusez-moi, les murs ont été repeint? Il y a une drôle d'odeur. ''