Michelle, ma belle, these are words that go together well, my Michelle...
Depuis qu'il avait investi dans un Ipod dernier cri, John ne se laissait pas des playback solitaires. Il déambulait les mains dans les poches en sifflotant ses airs préférés, au grand dam de Luo qui n'avait vraiment pas la fibre musicale. Mais ne pouvait elle pas comprendre que signer des dossiers n'était jamais moins séduisant que quand les beatles vous chantaient avec entrain que ' Goooood day, suuunshine! ". Mayrde quoi.
He comes the sun, tutututu...
Et puis, parlons en, de Luo, tiens.
Ces derniers temps, il la trouvait bizarre. Certes, elle lui adressait toujours ses remontrances habituelles et toute la panoplie, mais pourtant un petit quelque chose avait changé. Bon, il y avait eu ce désastreux dîner - ou peut être au contraire était-ce une réussite complète, difficile à dire, mais l'air horrifié de Ludivine au réveil valait bien l'addition - cependant John avec un genre de lucidité inconsciente sentait que le problème était ailleurs. Quand il regardait sa secrétaire il était tourmenté par une ou deux images très précise qu'il ne s'expliquait pas. La mer, un mur blanc, une glace et... des chats?
Bref, il fallait vite se débarrasser de cette obsession. Avoir l'esprit accaparé par une femme, ça n'était pas sain.

Alors tu fiches quoi à quatre pattes dans la salle d'archives, une lampe troche entre les dents, hein John?
" - Che me renseigne chur mon perchonnel "
Ben tiens.
Bon, alors, alors, la fiche de Ludivine... Bon sang, il y avait combien d'étagères là dedans? Ha, L... Lola, Luc, Leomi... - il eut un frisson de dégoût en constatant que son brun de stalker officiait toujours dans l'entreprise, il faudrait qu'il en touche un mot à Olivia - oui, Olivia c'est le nom de Mrs Felton, tombez à la renverse en réaction à cette révélation -.
Ha, Ludivine Lewis!
Alors voyons... Date de naissance, profession des parents, ha, voilà! don : rêves lucides, peut s'introduire dans les rêves d'autrui.
Rêves lucides? ça voulait dire quoi ça?
John s'assit en tailleurs et se gratta la tête. Cette histoire de s'introduire dans la tête des autres, ça lui disait un truc...
Mais, rebondissement Ô combien classique dans un rp, alors que john faisait des choses et autres machins, il fut interrompu par le bruit d'une porte qu'on ouvre! Mais QUI est donc le ou la mystérieuse inconnue qui...?
Suite au prochaine épisode!

[ désolée, c'est long et vraiment pas terrible, j'ai l'inspiration bizarre aujourd'hui xD je suis partie du principe que john avait éteint sa lampe de poche d'ailleurs ]
[ https://www.youtube.com/watch?v=_gMq3hRLDD0 & https://www.youtube.com/watch?v=omkRbY4uZ6E&feature=channel ]

Ce n'était plus une surprise que John disparaisse, ni même que Luo lui coure après. Aussi bizarres ou ennuyeuses soint-elles, on finit toujours par s'habituer aux choses. Alors Luo avait décidé quelque chose : elle ne le chercherait plus.
Ce qui ne signifiait pas qu'elle allait passer la journée à dormir dans son fauteuil, ça non. Ces temps-ci elle multipliait les rencontres étonnantes et n'avait pas envie de les laisser filer - Luo, notre petite Luo, s'était donc lancée dans l'exploration de l'entreprise. Escapade dangereuse, soit. Mais elle avait envie de se faire plaisir et ce n'était pas le fantôme de son blond de patron qui allait l'en empêcher. Et puisqu'il écoutait de la musique, elle aussi avait le droit d'avoir une chanson dans la tête. Deux ou trois notes de harpe, un clavier et une voix qui remue la terre se promenaient dans sa tête alors qu'elle se promenait dans l'entreprise, en recherche d'un lieu où elle pourrait écouter les notes dans sa tête tranquillement, puisqu'elle n'avait pas de gadget prévu pour cet usage, elle. Elle faisait confiance à sa mémoire pour dérouler les notes qui flottaient désordonnées dans l'air.
a falling star fell from your heart and landed in my eyes i screamed aloud as I tore through them but now it's left me blind
Drôle de paroles. Difficilement compréhensibles, mais ça n'état pas très grave, ça n'était pas ça qui importait. Pas pour Luo en tout cas qui ce jour-là avait les cheveux bleu marine, couleur océan en Bretagne. Elle décida qu'elle allait faire claquer ses bottes en rythme, ça l'aiderait à retrouver les paroles de la chanson alors qu'elle jetait un oeil aux fenêtres du cinquième étage, qui n'avaient pas grand chose de transcendant par rapport à celles du troisième si vous voulez mon avis, mais qui au moins étaient mieux nettoyées. De toute façon elle s'en fichait, elle n'allait jamais au troisème étage. Le sauna c'était pas son truc.
louder that silence louder than bells sweeter than heaven harder than hell
Elle fronça les sourcils. Voilà que la chanson changeait dans sa tête sans qu'elle ne s'en aperçoive. Dire qu'elle lui faisait confiance. Elle chassa les mots de la chanteuse aux cheveux roux et longue robe noire de sa tête, éjectant harpes, guitares et claviers avec, et décida qu'elle pouvait s'intéresser à l'étrange porte en face d'elle. Bizarrement elle ne l'avait jamais remarquée. C'était son domaine pourtant le cinquième étage. Elle était légèrement entrouverte et sur la plaque dorée il y avait écrit salle des archives. C'était trop tentant, hein?
Un porte comme ça, c'était comme un écriteau clignotant marqué 'OUVREZ-MOI". Et Luo était une fille obéissante.
Elle s'approcha, ouvrit doucement la porte, comme s'il y avait à l'intérieur un genre de ptérodactyle endormi qu'il ne fallait surtout pas réveiller, se glissa dans l'entrebaillement et referma derrière elle, tandis que son autre main tâtait le côté de la porte pour trouver l'interrupteur. Qui ne marcha pas. Luo fronça les sourcils.
" Scheisse. "
no dawn no day i'm always in this twilight
Haussant les épaules au retour de cette chanson qui pour le coup collait étrangement bien à la situation , Luo se résigna à avancer dans le noir, tendant la main devant elle et rencontrant une légère étagère de métal dont le contact froid la fit frissonner. Elle suivit son contour, palpa ce qui ressemblait à un classeur en carton.
the stars the moon they have all been blown out you left me in the dark
Refermant la porte jusqu'à ne laisser qu'un léger trait de lumière au sol éclairer la pièce, la jeune fille cligna des yeux pour s'habituer à l'obscurité - et sembla entendre un bruit, très léger, très tenu, un bruit qui aurait pu être celui d'une chiute de papier à l'étage du dessus mais qui semblait venir de devant elle. Mais il n'y avait rien devant elle. A priori.
and in the dark i can hear your heartbeat so i tried to find the sound
Malgré elle elle sentit un petit frisson d'adrénaline couler dans ses veines. Bien sûr elle aurait pu ouvrir la porte en grand pour laisser entrer la lumière du couloir mais quelque part, ça n'aurait pas eu le même charme. On fait toujours des rencontres plus intéressantes dans le noir. Presque toujours. Elle fit quelque pas, sentant un autre rayonnage de métal à sa gauche, et aurait été bien curieuse de voir ce qu'il y avait dans ces classeurs mais décida de suivre la provenance du bruit. Cette salle ne pouvait pas être infinie. Les rayonnages étaient si étroits qu'elle effleurait du bout des doigts une étagère de chaque main - ce qui l'amusa cinq minutes, mais lorsque ces cinq minutes furent passées et qu'il devint évident qu'elle n'était pas prête d'arriver au bout du rayonnage, elle regretta légèrement de ne pas avoir laissé la porte ouverte. Elle jeta un coup d'oeil derrière elle. Noir. Devant elle. Noir. Bravo Ludivine. Ca a beaucoup plus de charme comme ça.
but then it stopped and i was in the darkness so darkness i be...
BAM.
et l'élan lyrique mental de ludivine se trouva arrêté par une chaussure.
Une chaussure qui n'aurait rien eu à faire là si elle n'avait pas appartenu à un pied lui même appartenant à une jambe elle -même appartenant à un être humain de sexe masculin nommé John, mais ça, comment aurait elle pu le savoir? Luo se prit donc les pieds dans la chaussure et dans un joli bruit ( qui explique le BAM susmentionné ) s'étala sur le sol duquel elle bénit pour une fois la moquette. Elle ne dut qu'à un réflexe de survie de ne pas se casser le nez et de se rattraper à l'étagère, avant de se laisser tomber sur le moquette avec un vague cri où se mélangeaient une bonne part de douleur et une autre, plus discrète, de peur, de toute petite peur qui grandit en s'insinuant en vous quand vus êtes seul dans le noir. Elle se replia en position assise, appuyant sa tête contre l'étagère, et ramena ses jambes à elle, pliant son tibia endolori contre elle en grimaçant.
" Merde! " lança-t-elle, trop occupée par la douleur pour se demander ce qui avait provoqué sa chute et à plus forte partie pour se dire que la cause en était humaine. Elle glissa les doigts entre la botte et sa peau, appuyant là où elle aurait bientôt un beau bleu.
then i heard you heart beating you were in the darkness too so i stayed in the darkness with you

Quand mon 6.35 me fait les yeux doux, c'est un vertige, que j'ai souvent, pour en finir, PAN! PAN!

John était bien, là, dans le noir. Les percussions résonnaient dans ses oreillettes comme si leur son avait rebondi sur les murs mêmes de la salle, la voix auraient tout aussi bien pu venir de derrière une étagère. Il était assis tout seul dans un grand espace vide, infini, la moquette était douce et rassurante sous ses doigts, il tirait les fils. Il réfléchissait. La porte s'était ouverte, un rai de lumière avait balayé le sol et le plafond, et puis ensuite la nuit. John s'en fichait. Il n'avait pas peur des prédateurs qui rôdent dans l'ombre.

BAM.
MERDE!

Un choc violent tira John de sa rêverie. Une fille! C'était une fille! Il enroula cordon de son Ipod et les oreillettes lui tombèrent des oreilles.
Une voix de femme! ça voulait dire qu'une employée - une autre - avait bravé l'interdit!
" Bonjour, mademoiselle " gazouilla John en tendant la main droite vers la source du bruit.
À quoi pouvait elle bien ressembler? Certes, il y avait la lampe torche, mais c'était tellement plus amusant comme ça, dans l'obscurité. Elle ne comprendrait rien à ce qui allait lui arriver... John faillit glousser et battre des mains tellement il se sentait content.
Non, Monsieur Rose n'a pas peur des prédateurs qui rôdent dans l'ombre. Parce que c'est lui, le prédateur.

Rien qu'un vertige, j'aimerais tant, comme ça pour rire, PAN PAN

Il se redressa sur les genoux, reposa la fiche cartonnée ( celle de Luo ) sur un rayonnage. Elle était tout près. Il sourit pour lui même, en coin.
" On traîne là où on ne devrait pas fourrer son nez? " poursuivit-il d'une voix suave, celle qu'il réservait à ses victimes avant de les manger toutes crues.
Pour le moment il resterait calme et immobile. Pour le moment.

La voix était suave et glaçante à la fois. Elle semblait vibrer sur une corde très basse, sussurée tout près d'elle, tout près de son visage, elle pouvait sentir le souffle de l'homme, elle pouvait imaginer les lèvres d'où coulaient les mots comme de la crème, imaginer le sourire menaçant qui s'y profilait. C'était une voix qui pouvait vous faire frissonner de tout votre corps, un long frisson qui remonterait le long de la colonne vertébrale pour venir vous étreindre le coeur, c'était une voix qui pouvait vous faire défaillir. C'était une voix de glace, cristallisée et brûlante à la fois, qui vous suppliait de vous abandonner, de lui obéir, de se prosterner devant son possesseur.
Sauf qu'il y avait un problème.
Cette voix, c'était celle de John.
Luo fronça les sourcils.
"John?"
Silence.
John!
John à qui elle offrait des cookies pour qu'il aille à ses réunions, John qu'elle devait border quand il s'endormait dans son grand fauteuil de sous-directeur, John qui la faisait courir aux quatre coins de l'entreprise pour trouver un fil de fer pour qu'il puisse faire une sculpture avec, John dont elle avait vu les rêves d'adolescent doré, John qui la regardait de ses grands yeux embués par l'alcool lorsqu'il n'allait vraiment pas bien et qui lui faisait 'pourquoi tu ne m'aimes pas, Luo-Luo?'. John! C'était John. Ce John-là, son John à elle, qui était tout près d'elle dans l'obscurité et qui lui sussurait des menaces. Il devait y avoir un problème quelque part, songea très finement Luo.
Elle tendit la main, doigts écartés, et toucha le visage auquel appartenait cette voix. C'était John, y avait pas de doutes, c'était lui.
Alors c'était avec cette voix-là, qu'il les mettait toutes à genoux, les filles?
Troublée, elle fit :
" Hé, John! C'est moi, Lewis! Mais qu'est-ce que vous faites là? "
Point de voix sensuelle et déterminée. C'était la voix de Luo. Sa voix de secrétaire. Reconnaissable entre mille. Qui résonnait dans le noir. Juste ça.

Alerte alerte. On passe au plan B!
" Ha heu... L... Luo...? "
Pendant une fraction de seconde, il avait hésité. Hésité à poursuivre son discours glaçant de sa voix de velours, hésité à attraper Luo par la taille, hésité à la renverser sur la moquette et à vaincre, une bonne fois pour toute, le vieil ennemi. Mais justement, cela faisait trop longtemps qu'elle lui résistait. Luo n'était plus une femme elle était LA femme. Enfin, tout ça, John n'en a pas conscience. Je fais un peu de narration omnisciente pour que vous compreniez.
Bref.
" Luo? " bredouilla-t-il, et il sentit toute sa belle assurance s'envoler. Il saisit la main qui caressait son menton, la serra dans la sienne, comme un môme. Voilà, ça, c'était la façon dont ça devait se passer. Le petit garçon qui ne sait plus où se mettre. La procédure habituelle.
" Tu heu... Que faites vous ici, Mlle Lewis? " reprit-il avec un peu plus de fermeté. Il n'allait pas se laisser se retourner par son inférieure hiérarchique, hého! " Je hmm... Hé bien, ce que je faisais ici ne vous regarde pas. "
Dieu merci, il faisait trop noir pour que Luo puisse voir sa propre fiche, posée bien à plat sur le métal de l'étagère... Qu'elle n'aille pas s'imaginer des choses...
Prudemment, il repoussa la lampe de torche sous le meuble, la moquette étouffait le bruit. Même dans cette situation désagréable, il ne perdait pas le nord. Pour de multiples raisons, il lui semblait préférable de rester enveloppé d'obscurité. Comme toutes ne sont pas très catholiques, je ne vais pas vous éclairer sur la nature de ces raisons.

En temps normal, Luo aurait aimé lui répondre quelque chose de mordant ou quelque chose pour tenter de le culpabiliser, elle lui aurait dit qu'elle le cherchait alors que ce n'était pas le cas et qu'il n'avait pas idée d'aller se planquer dans le noir dans des endroits pareils, non mais quand même, maintenant on rentre. C'était ce qu'elle faisait toujours dans la réalité, rester sèche, rester la gouvernante du petit gamin pas sage. Elle se serait levée en tirant sa main pour qu'il se lève aussi et se serait dirigée vers la porte en se disant que la lumière du jour leur remettrait les idées au clair. Mais elle n'avait pas envie. Oui, là, juste comme ça elle n'avait pas envie. Elle était un peu fatiguée ce jour-là Luo, la tête un peu embrumée et si vous voulez mon avis ça n'était pas plus mal, et puis elle aimait bien le contact de la main de John, c'était pas une petite main tremblotante d'enfant qu'on serre comme un petit animal peureux, c'était une vraie main d'homme, avec de grands doigts, une grande paume, des ongles plats bien coupés et qui vous serre trop fort, mais juste un tout petit peu, juste pour qu'on comprenne à qui on a affaire. Ca faisait un moment qu'un garçon ne lui avait pas pris la main. Mine de rien. Maintenant qu'elle y pensait.
Alors elle laissa sa main dans sa main, ce qui faisait très roman harlequin ou chanson de Laurent Voulzy dit comme ça, en prenant bien soin quand même de ne pas la serrer trop fort pour qu'il n'aille pas s'imaginer des choses lui non plus. Drôle comment ces deux-là font leur possible pour que l'autre ne s'imagine pas des trucs, hein. Drôle de situation aussi. Tous les deux assis par terre dans le noir, entre deux étagères de métal qui faisaient plus que leur taille, comme des adolescents qui vont fumer en cachette de leurs parents et s'étouffent avec la fumée.
Elle remit une mèche de cheveux en place maladroitement, de la main gauche puisque John avait la droite, manqua de se mettre un doigt dans l'oeil parce qu'ils étaient dans le noir et qu'elle était un peu fatiguée, faillit avoir un petit rire bizarre et un peu gêné mais l'empêcha de s'échapper de ses lèvres, enfermant ses plumes entre ses dents. Elle déglutit.
" Je me promenais. J'ai pas grand chose à faire quand vous êtes pas là " Poine discrète d'accusation. Vous voyez? On se refait pas. " Mais je ne m'attendais pas vraiment à tomber sur... " Elle chercha ses mots. " Ca. Il faudra appeler quelqu'un pour changer l'ampoule d'ailleurs. On a l'air fins sur la moquette dans le noir, on y voit rien ici. "
Elle eut envie de lui demander pourquoi il tenait sa main, mais elle ne fit pas puisqu'il ne pourrait sans doute pas répondre et qu'il l'enlèverait. Parce que mine de rien, ça lui faisait un petit point d'accroche dans tout ce noir.

" Oui, c'est vrai, on a pas l'air fin " répète John bêtement, distraitement, et plus concentré, en fait, sur la main froide et le souffle chaud de Luo que leur dialogue creux.
Il ne sait plus quoi dire. Leurs rôles, ils les ont pourtant souvent joués, le beau sous directeur inconséquent, sa secrétaire courroucée, leurs dialogues bien huilés, connus par coeur, les vieilles questions, les vieilles réponses, il n'y a que ça!
Mais là, maintenant qu'ils sont dans le noir, rien qu'eux, juste Luo et John, sans toute la pompe administrative et le décorum officiel, il ne sait plus quoi dire. Il se garde bien de sortir sa lampe torche, il serre simplement la paume de Ludivine.
Peut être que lui aussi, après tout, il est un peu fatigué.
Quelques minutes passèrent dans un silence total. ça commençait à devenir gênant.
Allez, quoi!
" J'avais oublié que vous pouviez voir dans nos rêves " lança John, abrupte comme toujours. Le seul sujet de conversation auquel il ait pu penser.
" C'est cool. Je veux dire, c'est épatant. Vous pourriez voir les miens, alors? " ajouta-t-il avec intérêt.
J'entends déjà les exclamations scandalisées. ' wtf?? Que comment quoi qu'est-ce? Peut il vraiment avoir tout oublié? '
Et oui, il le peut. Ne jamais sous estimer John Rose.
Rien ne reste, tout passe dans cette passoire humaine. Sa tête est un palais des courants d'air. Si, en faisant un effort d'imagination, vous essayiez d'imaginer le monde intérieur de John, vous verriez de grandes pièces fastueuses et vides. Que les freudiens remballent leur petit matériel, y'a rien à psychanalyser là dedans.

Ses doigts se serrèrent inconsciemment contre les siens lorsqu'il prononça ces quelques mots, sans qu'elle ne puisse le contrôler, elle crispa les doigts et ses ongles se posèrent sur sa peau, elle les avait courts, ils ne laisseraient pas de trace, juste des petits croissants rouges puis blancs qui auraient disparu dans quelques secondes. Comme dans sa mémoire. Des mots qu'elle disait qui restaient d'abord là puis une trace puis plus rien, pas même une vague image ou une idée, non, John était un palais des courants d'air des souvenirs et des sentiments et laissait les uns et les autres aller à leur guise entre les parois. C'était comme ça. C'est la vie Emilie.
Elle desserra un petit peu ses doigts pour ne pas qu'il pense qu'il y avait un problème, parce qu'il n'y avait même pas de problème, juste un tout petit soupçon de rancoeur, et elle étendit ses jambes et s'assit contre l'étagère. Elle vacilla un peu contre elle, un vieux bruit de feraille, ses genoux craquèrent et elle se dit qu'il serait tellement simple de tirer un petit coup sur cette main pour rapprocher l'homme au bout et l'embrasser, alors elle desserra encore leurs doigt, les laissant à peine entrelacés, posés l'un l'autre sur la moquette entre eux deux.
Elle pencha la tête.
" J'ai déjà vu vos rêves quand on s'est rencontrés, John, fit-elle d'un ton désinvolte mais pas trop. La toute première fois. Vous étiez en train de dormir au milieu de la rue "
Elle haussa les épaules.
" Mais c'était il y a longtemps alors ce n'est pas grave si vous ne vous en souvenez pas "
Six mois. Oh oui, six bons mois, de quoi oublier totalement une première rencontre, c'est vrai. Mais c'était vrai aussi que ce n'était pas très grave s'il ne se souvenait plus parce qu'elle avait assez de mémoire pour deux. Elle aurait bien aimé c'est vrai qu'ils soient deux pour ce travail mais ce n'était pas une chose à demander à John. John était beau, c'était sa seule réalité et sa seule vérité et son monde gravitait autour de ça. Il était beau, il aimait les femmes, s'amuser. Pas de temps pour des choses aussi triviales que des souvenirs quand les secrétaires sont là pour tout vous rappeler en temps et en heure. On ne pouvait pas le blâmer. C'est la vie Emilie.

[ Fatiguée n___n ]

John se souvient de cette première rencontre, un peu. Mais pas du tout du rêve... C'est normal, pense-t-il, je ne me rappelle jamais mes rêves.
" Bien sûr que je me souviens " réplique-t-il, sans en être bien certain en fait. " Seulement, j'avais oublié que vous aviez scruté mes rêves. Tenez, je me souviens tellement bien que je peux vous dire que vous étiez en bleu. "
Bon, Luo était en bleu presque tous les jours que Dieu faisait, mais c'était vrai, ce jour là elle portait une robe sombre - ou alors c'était la pluie qui l'avait mouillée.
Contrarié, il lâcha la main de Ludivine et croisa les bras sur sa poitrine. Il avait hésité à la serrer de nouveau, mais après tout, sa secrétaire avait décroisé leurs doigts, donc, hein, on n'allait pas s'embarrasser des règles de galanteries.
Puisque Miss Lewis a mis la question sur le tapis, j'aimerais vous parler un peu du physique de John. Son physique tellement parfait que je suis persuadée que une ou deux rpgistes ont du s'inscrire en partie à cause de lui. Hey, il n'aura jamais connaissance de ce petit triomphe, laissez moi ne pas être modeste pour lui.
Plus jeune, John n'était pas beau. Il était blond et fade, il n'avait pas cette grâce touchante et maladroite des petits enfants, ( difficile d'être gracieux quand on est bourré ). Herbert, par contre, était absolument parfait, sa chevelure taillée et irréprochable comme un jardin à l'anglaise, il écoutait tout à la messe et ajoutez à ça qu'il montait à cheval avec beaucoup de distinction, il avait tout pour éclipser John, le reléguer dans son ombre pour un certain temps, et c'est sans doutes ce qui se serait passé si John n'avait pas été l'aîné. Hé oui, Dieu avait fait un joli coup de fourbe à Mr et Mrs Rose en désignant comme héritier naturel de l'empire Rose celui des deux frères qui était le plus terne et insignifiant. Pourtant, Herbert aurait été tellement, tellement... Mais enfin, il faudrait se contenter de John... Quelle pitié.
Là, je suis persuadée que vous imaginez John comme un garçonnet renfrogné et solitaire. Hé bien pas du tout. En fait, ça plane pour le jeune Monsieur Rose. Toutes ces choses lui passent au dessus de la tête, il sait juste qu'il a été béni par la chance, qu'il est comblé de tout ce qui fait envie aux gens qui seront à ses ordres, un jour : richesse, réseau influent, foie gras tous les soirs à table, bref, il n'y a pas de quoi se plaindre, donc il ne se plaindra pas.
Et puis, vers 14 ou 15 ans, ses cheveux et sa barbe ont poussé, il a grandi, il est devenu plus mince, plus sec, il est devenu beau et ça l'a confirmé dans sa théorie que le destin est injuste et qu'il faisait partie de cette minorité de ceux qui ont tout sans effort. Et ensuite... Mais enfin, plus tard les détails, plus tard. Un autre jour, peut être.

Alors, bien sûr, un jour, John vieillirait. Mais ce serait dans très, très longtemps, et même, pour quelqu'un qui n'avait jamais rien attendu de la vie, et dont personne n'attendait rien, il lui resterait encore un peu du prestige familial, un compte en banque toujours plein grâce à la bienveillance paternelle, et tellement d'autres choses, encore. Etait-ce si grave de ne rien faire? De courir les filles?

Mais pourtant, il y a un truc qui titille John... Oui...
" Ha! Je sais! Je sais! "
Il sourit béatement dans le noir, ce sentiment de délivrance quand on arrive ENFIN à identifier cette pensée confuse, ce souvenir qui vous échappe... " On a rêvé ensembles à d'autres occasions, non? Il me semble... Il y avait la mer et... "




( désolée... C'est exactement le style de narration que je m'étais promis d'éviter sur ce forum... XD c'est pas très bien écrit du coup. anyway. )

Luo ramena sa main à elle et la posa sur sa jambe dans le noir, sur le fin collant noir à quelques deniers qui recouvrait ses jambes et derrière lequel se cachait une douleur sourde, et elle appuya légèrement sur le bleu qu'elle s'était fait, pressant la peau comme pour faire disparaître la douleur alors que cela ne faisait que l'augmenter, comme si elle voulait se concentrer sur autre chose. Pas que quelque chose la gêne particulièrement dans la scène présente. Elle avait peut-être besoin d'oublier un tout petit peu le noir et c'était tout, mine de rien on a toujours un petit peu peur dans le noir, même quand on est pas seul, on ne peut pas s'en empêcher. Elle n'avait pas peur, pas vraiment. Elle n'était pas rassurée, voilà tout.
Elle tressaillit presque quand John s'exclama qu'il savait, tourna la tête vers lui, et sentit une légère appréhension monter en elle. Est-ce qu'il allait se souvenir du reste? De tout ce qu'elle avait dit? Même lorqu'elle était dans des rêves, elle devrait faire attention avec ceux qui avaient des chances de connaître son don, mais elle n'avait pas pensé à se cacher de John. Erreur. Elle pensait pourtant qu'il ne serait pas capable de se souvenir d'une chose aussi vieille, lui qui ne parvenait à retenir que le nom de ses conquêtes, et encore. Mais pour le moment, il ne parvenait à se souvenir que de la mer, ce qui était bon pour elle - et cette fois, pas de gaffe, elle ne le mettrait pas sur la piste. Il ne faudrait pas qu'il se mette à penser des choses, dites.
... et voilà que la secrétaire en elle faisait son grand retour. Luo fronça les sourcils.
Elle lâcha son bleu, remit une mèche de sa main droite. Mince, ça voulait dire qu'elle était nerveuse. Elle la posa un peu trop précipitamment sur la moquette - elle commenait à avoir un rapport très particulier à la moquette.
" Ah oui? " Elle prit l'air détaché. " Vous savez, parfois, vous vous endormez et... "
Silence embarassé.
" Bref. Oui, ça a du nous arriver... Une ou deux fois... Je ne me souviens plus bien "
Elle alla remettre une mèche en place, reposa sa main au sol.
Menteuse.

" Mais vous devriez vous souvenir, vos rêves sont lucides, Luo. Je l'ai lu sur votre fiche "
Il y eut un petit flottement. John pensait à la paire de chaussures qu'il avait portée à raccommoder chez le cordonnier. Négligé, les mains dans les poches, à attendre, la tête sous la gouttière, trempé jusqu'à l'os. Il pleuvait presque tous les jours à Londres. Puis il se mordit la lèvre. Et voilà, il venait de se faire pincer. Luo allait imaginer de ces choses... Il se racla la gorge.
" Enfin, heu... Les fiches employés, quand vous avez été embauchée, vous voyez... "
Malheureusement il ne trouvait absolument rien qui pouvait justifier son indiscrétion. Il aurait mieux fait de se taire, il allait sembler encore plus suspect maintenant!

Et facta est Lux.

" On était au bord de la mer, tous les deux. Et il y avait des chats. Et Vous portiez des gants. Et quand on a essayé de s'embrasser... "
Il ne se souvenait plus de ce qui s'était passé ensuite, réfléchit. Pourquoi avait il une si mauvaise mémoire? Il devrait peut être consulter un docteur.
" Désolée, c'était méchant de ma part. Mais vous faisiez une tête marrante, j'vous jure Luo, y'en a pas deux comme vous "
Il roucoula en étirant ses longs bras au dessus de sa tête. Mine de rien, ça lui faisait plaisir. Il n'avait pas de chance avec les filles en ce moment, mais maintenant il avait la preuve que Luo l'aimait, un peu. C'était terrible, quand même, cette façon qu'il avaient de se repousser en permanence alors qu'il était évident que tous les deux en avaient envie... Envie de quoi, ça... Allons, il n'avaient plus six ans. Ils étaient - au moins Luo, en tout cas - des adultes responsables, ils n'allaient pas se tourner autour indéfiniment comme de petits enfants, ' je t'aime j'taime plus ', ç'aurait été ridicule, et s'il y avait bien une chose que John voulait éviter, c'était le ridicule.

Malgré ce qu'on aurait pu croire c'était rare, mais en cet instant qu'importe Luo rougissait furieusement, les yeux fixés sur la moquette qu'elle ne voyait pas, tentant de réguler la chaleur interne de ses joues. John savait, John se souvenait et John pouvait maintenant tout dire, tout faire, parce que les mots qu'elle avait dit et qu'elle pensait en sécurité au fin fond des limbes avaient refait leur apparition dans la tête de John. Leur rêve ensemble. Comment était-il possible qu'il se souvienne d'une chose pareille? Tant à sa confusion, elle ne nota même pas l'histoire de sa fiche. Quelque part, elle se sentait tellement harcelée par John que le fait qu'il aille lire sa fiche en douce ne lui faisait pas l'ombre d'une surprise. C'était inévitable, inéluctable, allez savoir, à la rigueur elle se serait presque étonnée qu'il ne l'ait pas fait plus tôt.
Et John riait à ses côtés de son doux rire de gamin dans le noir, en disant y en a pas deux comme vous Luo, et elle se sentait fondre un peu plus sur place. Est-ce qu'il se souvenait vraiment? De tout ce qu'elle avait pu lui dire? La vérité, rien que la vérité, toujours la vérité. Celle qu'elle ne faisait apparaître que dans ses rêves. Elle n'aurait pas du laisser John la voir. Imprudente. Mais il avait été doux, ce rêve, comme les fêtes foraines de son enfance, une pomme d'amour ou de la barbapapa. Très sucré sur le coup, ça fait mal aux dents ensuite.
Elle prit un des fils de la moquette, tira dessus, et quand elle prit la parole, sa voix était plus boudeuse qu'elle ne l'aurait voulue, plus enfantine aussi.
" Pourquoi faut-il que vous vous souveniez de ce rêve là? " se plaignit-elle en faisant une moue. " Vous oubliez toujours tout, d'habitude, et je dois vous le rappeler. Pourquoi forcément ce rêve-là? "
Parce que sinon ce ne serait pas drôle, Luo Luo.

[ désolée du temps de réponse et désolée que ce soit si court >____< ]

John pencha la tête sur le côté. On aurait dit un gentil labrador. Désolée pour cette comparaison foireuse qui n'a d'autre but que meubler les silences de mes posts abscons.
 " hé bien... Parce que c'est un rêve agréable, je suppose. "
 Et qu'elle n'aille pas dire non. Avec tout ce qu'elle lui avait glissé à l'oreille au cours de cette fameuse matinée elle ne pouvait plus se la jouer froide et distante.
 En fait John aurait applaudi des deux mains tellement il était content. Luo ne pouvait plus rien lui refuser. Elle n'avait aucune raison concrète de lui résister. Même pas celle de ' non John, ça n'est pas le genre de relation dont j'ai envie ' parce qu'elle en avait très envie. Elle l'avait dit. 
 Il disposait maintenant d'un avantage stratégique. Mais le bon tacticien sait qu'il faut parfois réserver son atout en attendant que tourne le vent. Manque de bol, John n'est pas assez patient pour ça. Tant pis pour Luo, l'Art de la Guerre n'était pas au programme à l'université, de toute façon.
 " Luo, c'est idiot. De m'esquiver comme ça. À quoi bon contrarier ses désirs? Je vous plais beaucoup non? Vous me plaisez bien aussi "
 Sa voix était plus basse, plus caressante, c'était ce murmure irrésistible et inquiétant.
 John ferma la bouche et attendit. Il n'y avait rien à dire mais il n'était pas en train de proposer à Miss Lewis une courte et torride passion entre deux étagères non plus. En fait si Luo lui avait passé les deux bras autour du cou là maintenant et lui avait demandé de l'embrasser il n'aurait pas su quoi faire. Il n'avait pas envisagé les différentes options. Mais un ' oui ' même si on ne sait pas trop à quoi, c'est toujours encourageant.
 Le voilà qui se met à compter ses doigts pour passer le temps.

C'était idiot à dire mais c'était comme ça.
" Parce que si ça commence alors ça finira forcément un jour. "
C'était bête mais c'était ce qu'elle aurait voulu lui dire. Qu'attendre entre les deux, sur le fil, ça lui allait, ça lui permettait de garder sa petite position précaire, jusqu'à quand, elle ne le savait pas ; ça lui permettait de prolonger indéfiniment la rencontre, de ne jamais être lassée ou lasser, de ne pas croiser John dans les couloirs et qu'il lui fasse un salut discret, s'il se souvenait encore de son prénom. Elle n'avait pas envie de rejoindre le club très ouvert des innombrables secrétaires qui avaient cru qu'elles étaient la bonne et qu'un jour John les aimerait d'amour, et qui s'étaient vues expédiées au petit matin, remballant lingerie fine et rêves de petits déjeuners au lit pour faire place à la suivante. Et puis si elle partait, qui s'occuperait de John? Mrs Felton comptait sur elle ( ça, par contre, c'était une excuse très nulle, nota-t-elle mentalement ) pour traîner John par le col aux réunions et lui faire signer la paperasse, et que ferait-elle des restes de ses boîtes de cookies du samedi matin? Elle n'allait pas les donner aux canards, tout de même, elle n'était même pas sûre qu'ils mangent du chocolat.
Elle était très bête sa raison, c'était une toute petite parcelle d'instinct de sauvegarde qui résistait encore, qui lui disait non, luo, écarte-toi, et trouve-toi un gentil garçon stable, un banquier par exemple, si tu as besoin de combler tes besoins affectifs de femme seule. Tu n'as pas besoin de ce bellâtre à voix qui brille dans le noir, un blond en plus, c'est vraiment trop cliché un blond, non? Ma pauvre petite Luo, on t'a pourtant dit de ne pas suivre les inconnus dans la rue, tu vois bien où ça mène maintenant.
Luo Luo Luo. Luo tu te ronges les ongles maintenant, toi qui ne l'a jamais fait, tu les mordilles un peu et tu fronces les sourcils. La concentration incarnée. Sans doute encore les joues rouges, celui-ci n'a pas eu le temps de retomber.
Et Luo fronçait fronçait fronçait tellement les sourcils qu'elle avait l'impression qu'ils allaient tomber, alors elle posa ses mains sur ses genoux, réfléchit, et se dit qu'elle réfléchissait depuis trop longtemps pour que ce silence soit normal, alors elle décida qu'elle ne dirait rien. C'était plus simple. Pas de risque de se tromper. Mais elle se décala juste un petit peu, un tout petit peu, vers John, et elle posa la tête sur son épaule avec hésitation, leurs bras se touchaient. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait faire ni comment John devait le prendre mais là, juste à cet instant, elle avait envie de chaleur, elle avait envie de se reposer dans les bras de quelqu'un, dans le noir, parce que ça fait peur un peu tout de même. Elle nicha sa tête dans le creux du cou, le nez contre la peau, et enfin, se décida à marmonner quelque chose, mais dieu seul sait ce que ce fut, parce que le son en fut étouffé par ses cheveux. Et elle resta là.

[ je tombe de sommeil, désolée x____x ]

Et il faisait quoi maintenant?
Nan, parce que c'était bien gentil de lui enfoncer le nez dans le cou, mais comment était il sensé réagir, hein? Elle y avait pensé à ça, Lewis avant de le câliner comme s'il était un teletubbies - le jaune -?
 Il ouvrit largement les bras puis les laissa suspendus en l'air, hésitant à les refermer autour de Luo, puis les abaissa, puis les tendit de nouveau avec quelques mouvements rapides de haut en bas et de bas en haut, ne sachant s'il étreindrait les épaules ou la taille, puis finalement les rangea sagement le long de des flancs parce que quand même c'était sacrement compliqué pour une simple accolade tout ça...
 Enfin, de sous la masse de cheveux parvint un gargouillis non identifiable qui aurait pu aussi bien être une crise de larmes ( mais heureusement ça n'était pas le cas )
- Luo?
 Silence. Il attendit environ une minute.
 - Je ne comprends pas ce que...
 Une autre minute.
 - Tout va bien miss Lewis?
 Calme plat.
 - Tu... Tu as le nez froid, Ludivine.
Il frotta lui les épaules pour la réchauffer un peu. Sa peau était froide. Sans doute que tout le sang avait afflué dans les joues, et qu'il n'en restait plus assez pour maintenir les extrémités à une température acceptable. Acceptable pour le confort de John, s'entend.
" Luuuuuu-ooooo " siffla-t-il avec agacement pour lui rappeler qu'elle n'était pas toute seule et qu'il perdait patience.
Finalement, il tapota le dos de la jeune femme en répétant ' allons mon petit ' ( un truc que faisait tout le temps son père quand Herbert pleurait. Inutile de dire que les rares fois où John s'était abandonné de même, les paroles de réconfort paternelles avaient été dispensées avec beaucoup moins d'entrain. En fait quand votre fils de quatre ans vous bave dessus parce qu'il a l'alcool triste, il est rare qu'on se sente jouasse, vous voyez où je veux en venir? ). 
 

Luo avait décidé qu'elle s'en fichait.
Elle était là, le nez dans le cou de John, elle respirait son petit parfum d'alcool, léger, mais toujours là, un peu enivrant, un peu montant à la tête, mais pas désagréable, il avait des cheveux qui sentaient le savon pour enfant et la peau aussi douce, et voilà, elle s'en fichait. Parce qu'elle était bien là, voilà. Elle avait chaud comme il faut, la tête délicieusement vide des tracas quotidiens pour une fois, et de ses yeux ouverts, elle ne voyait que le noir, un noir grisâtre où elle distinguait maladroitement quelques étagères claires, elle ferma les yeux et c'était encore mieux. La clavicule de John était un parfait repose-nez.
Le jeune homme dit quelque chose. Ce n'était sûrement pas essentiel et elle décida de ne pas s'en occuper, mais lorsque le ton de sa voix commença a exprimer un léger agacement et qu'elle sentit que la main sur son dos n'était plus aussi amicale, elle se dit qu'elle avait peut-être à clarifier les choses aussi elle releva la tête, légèrement, pour qu'il puisse entendre ce qu'elle disait, et fit d'une voix qui paraissait presque assoupie :
" Je suis bien installée là, John. J'ai chaud et c'est plus agréable que contre l'étagère " expliqua-t-elle dans toute la simplicité de son évidence.
Et elle replongea dans le cou de son supérieur hiérarchique, ce qui, techniquement, n'était pas vraiment correct, mais de toute façon, le jour où John lui-même serait correct... Il l'avait appelée Ludivine. Elle ne pensait même pas qu'il se souvenait de son vrai nom. C'était la seconde fois qu'elle sous-estimait la mémoire de John aujourd'hui, elle devrait faire plus attention à l'avenir. En plus, personne ne l'appelait jamais Ludivine, à part sa mère aux repas de famille.
" Vous y voyez un problème? " reprit-elle pour être tout de même un peu correcte, même si elle demandait la permission un peu tard d'aller faire un somme sur son épaule. De toute façon, elle doutait que John l'en empêche mais c'était une question de courtoisie - haha - et j'avais besoin de faire mes lignes

[ je crois qu'écouter vienna teng rend luo molle xD ]

John soupira. Puis réalisa soudain qu'il faisait subir ce genre de caprices à sa secrétaire tous les jours, médita la chose, la rangea dans un coin pour l'oublier, la culpabilité ou le remords étaient mauvais pour la santé.
" Mais si jamais vous vous mettez à me ronfler dessus, Luo, je ne vais pas pouvoir bouger ni parler ni vous ennuyer pendant au moins des heeeeeures. Et puis je ne suis pas confortablement installé, j'ai mal au dos... "
Mais Luo ne bougeait pas. Luo s'en fout, elle va bientôt s'endormir si ça continue, ce qui est vraiment bizarre, parce que d'habitude c'est l'inverse, John dort et Ludivine le secoue pour le faire sortir de sa bienheureuse léthargie éthylique sur son bureau. Un bureau ikéa qui n'a d'ailleurs coûté que 115 Livres à la direction, John avait été un modèle de prudence économe sur ce coup là.
Mais ça ne va pas du tout, ça! Pendant que John divague et que nous suivons ses divagations - d'un oeil bienveillant, bien entendu - le problème ' Ludivine me prend pour son oreiller ' n'avance pas du tout!
" Donc oui, pour le dire autrement, ça me pose un problème. Vous ne voulez pas plutôt qu'on s'allonge sur la moquette? "
Il ne doutait pas être très confortable ( car il était parfait, après tout ) et naturellement la moquette n'avait pas ce moelleux et cette douceur incomparable, cet délicieuse odeur de savon qu'avait sa propre personnes, mais en l'absence de brioche le peuple mange du pain ou un truc dans ce goût là.
Il poussa gentiment Ludivine, et s'affala sur le sol avec un air boudeur. Elle n'avait toujours pas répondu à sa question.
" Lewis. Si vous ne me donnez pas là maintenant une seule bonne raison de ne pas penser que vous êtes folle de moi, je vais vous harceler jusqu'à ce que vous soyez incapable de résister. Si vous voulez sauver votre peau c'est le moment. Sinon je considère que j'ai le feu vert. Pensez bien à ça. "
Un peu cavalier tout ça. Pas très chic même. Mais comment faire autrement? Il n'était pas QUESTION qu'elle se défile avec un ' j'ai chaud là ' qui ne trompait perosnne.

Voilà qui était problématique.
Elle ne s'en sortirait plus en ronronnant et en sortant des phrases vagues - elle avait pensé que John resterait dans les insinuations et les questions de gamin, mais visiblement, il avait décidé qu'aujourd'hui serait le jour où il en aurait le coeur net. Ce qui n'était pas top dans le sens où Luo n'était pas tout à fait sûre d'avoir elle même le coeur net sur ses sentiments pour John - seigneur, ça faisait vraiment collection Harlequin, mais c'était le cas. Aussi, lorsqu'elle se retrouva adossée à l'étagère de métal, qui lui faisait mal à l'omoplate et était froide à travers son fin gilet de coton, elle se dit qu'il allait vite falloir trouver quelque chose.
Elle se massa l'arrière de la tête qui avait cogné contre l'armature métallique lorsque John s'était dérobé. Elle était dans ce qu'on pouvait appeler une situation critique. Ah, si John était un gentlemen comme ce cher Koko, elle n'aurait pas eu tous ces problèmes de conscience et ne serait pas en train de s'embrouiller mentalement pour trouver un moyen de ne pas se faire harceler sexuellement par son patron dans les prochains jours. Fallait dire que dit comme ça, ça paraissait sacrément tordu, quand même.
John s'était allongé et il était tout près d'elle, dans ce noir elle pouvait même entendre sa respiration, il lui semblait même qu'elle gardait son petit goût d'alcool sur le nez. C'était comme s'il n'y avait aucun moyen de lui échapper. Elle avait pensé être prudente mais visiblement, pas assez pour ce playboy de John. Elle en aurait levé les yeux au ciel. Il les lui fallait toutes. Et selon toutes probabilités, il les aurait toutes, pour peu qu'il le veuille un peu. On ne pouvait juste pas lutter. C'était comme un moineau et un guépard. Ils ne jouaient pas dans la même cour et quelque part, dès qu'elle avait été promue secrétaire, elle avait du être placée en ligne de mire.
Bizarrement, elle ne savait pas trop pourquoi, elle se sentit un peu triste, soudainement. Et puis elle décida que puisqu'il n'y avait plus rien d'autre à faire, elle allait être franche. C'était sans doute la chose la plus sage à faire. Elle ferma les yeux pour arrêter de voir les formes fantomatiques des étagères et eut un long soupir.
" John, vous voyez, c'est compliqué " commença-t-elle d'une voix de mère fatiguée. " Vous savez que je vous aime beaucoup et vous êtes quelqu'un d'important pour moi mais vous êtes comme un petit garçon, vous... " Elle s'arrêta pour un mouvement de la main qui cherchait quoi dire. " Vous êtes saoul en permanence et je dois m'occuper de vous comme une nourrice avec l'enfant dont elle a la charge. Pas que ça me déplaise, mais je ne pense pas que ce soit compatible avec une relation à long terme entre adultes responsables. Et non, je n'ai pas envie non plus d'une relation à court terme où je me ferais culbuter derrière une armoire quand vous n'aurez plus de pouffe sous la main pour ça "
Elle posa les mains sur ses jambes croisées.
" Quel besoin avez-vous de me harceler? Notre relation me va comme elle est. Et vous pouvez avoir toutes les filles que vous voulez alors pourquoi ne pas abandonner mon cas? " Elle hésita un instant, lâcha enfin. " On peut être... amis? Non? "

" Non "
C'était un petit mot, dit comme ça, trois petites lettres. Juste un tout petit mot, mais qui sous entendait beaucoup. D'abord que John ne laisserait jamais Ludivine en paix, ensuite qu'une relation amicale entre homme et femme n'avait pour lui pas de sens.
" À vous entendre, Luo, ricana-t-il, j'ai l'impression d'être le pire salaud que la terre ait porté. "
Bon, certes, il était possible qu'il ne soit pas toujours très gentil ni très attentionné, mais au fond - très au fond si vous voulez mon avis - il ne pensait pas à mal.
Il retournait les phrases de Luo dans sa tête, cherchant un compromis, un arrangement, quelque chose qui tranquilliserait cette petite naïve de Ludivine. Lui non plus n'avait pas envie d'une de ces longues relations où on se regarde dans le blanc des yeux par dessus une assiette de nouilles. Et c'était peut être un peu déplacé, mais il n'imaginait pas que sa secrétaire soit assez bonne au lit pour se contenter de simples roulades sous la couette ikéa. Notez que je fais une sacré promotion pour ce marchand de meubles ces temps ci, ça me préoccupe, je vais emménager bientôt, vous comprenez... J'ai la tête farcie de tapis, de rideaux, de doubles rideaux et aussi de portes journaux et de services à thé.
Alors, comment faire? Rien ne semblait convenir ni à l'un ni à l'autre. Peut être ne fallait il pas trop rêver.
Pour la deuxième fois de la journée, le cerveau de John se montra coopératif.
En fait le cerveau de John c'est moi. Je sais pas si vous avez effectué le rapprochement mais...
Le rêve... Le rêve... songea donc soudain la jeune homme avec un air perplexe. Oui, bah, quoi ' le rêve? ' Oh, come on, John John, fais un peu marcher ta matière grise.
" On a qu'à sortir ensembles quand on dort "
L'idée était tellement bonne que John lui même ne la comprit pas tout de suite. Mais plus il se la répétait, plus il lui semblait avoir été brillant.
" Oui... continua-t-il, réfléchissant à mesure qu'il parlait, pensez y! Je veux dire, puisque vous pouvez vous introduire dans la tête des gens vous pourriez... Nous pourrions... Il suffirait de s'endormir, on pourrait faire ce qu'on veut, et tellement plus encore, nous n'aurions aucune limite! Je ne vous demanderai plus rien au bureau, c'est promis. Mais ce qui se passe à un niveau purement intellectuel ne pourrait pas avoir de conséquences néfastes, si jamais nous nous lassions he bien.. Il suffirait de recommencer comme avant... Vous voyez? "

Luo fronça les sourcils.
Elle tourna la tête vers John. Enfin, elle essaya, mais elle était dans le noir, et elle avait beau vouloir le fixer comme pour deviner d'où était sortie une idée aussi tordue, elle ne vit que le noir. Noir noir noir. Est-ce qu'il se fichait d'elle? Qu'est-ce que c'était que cette proposition bizarre? Et puis depuis quand John faisait-il des compromis, hein, je vous le demande? Un instant, elle se demanda même si elle avait bien entendu. Mais l'explication qui suivait ne laissait pas le doute.
Elle se tritura une mèche.
Mince, ça voulait dire qu'elle était nerveuse. Bah, John ne la voyait pas.
" Je... Enfin... "
Elle enroula la mèche autour de son doigt en anglaise, la tirant plus que nécessaire, et la relaissa tomber en bouclettes sur le côté de son visage, pressant ses doigts contre sa bouche d'un air perplexe.
" Quel intérêt auriez-vous à faire ça? " lâcha-t-elle finalement lorsqu'elle sut quoi dire, relaissant tomber sa main sur ses genoux repliés contre elle. " Je veux dire, moi je me souviens de mes rêves, mais vous, c'est occasionnel, alors ça ne serait pas vraiment satisfaisant de votre côté, non? "
Elle était bête de dire ça car elle aurait du s'en contenter mais si jamais elle acceptaitl e compromis pour se retrouver ensuite avec un John toujours aussi frustré sur les bras, ça n'allait pas le faire. On a beau dire, le vague souvenir d'un rêve ne remplaçait pas un souvenir précis, intact et frais - quoi qu'elle doutait que John ait un genre de souvenirs aussi bien conservés, vu comment il avait tendance à se rappeler des choses.
Et uis d'ailleurs, dpeuis quand John réfléchissait et prenait en compte les souhaits de ses victimes, aussi, hein?

" Vous me demandez quel est mon intérêt. Il y a un problème et moi je propose une solution. C'est tout. ça n'a pas l'air de te faire plaisir. "
Il se redressa, chercha Luo du bout des doigts, effleura ses cheveux. Il tira sur quelques mèches en boudant. Ce qui était bien avec les filles, c'était toutes ces choses qui dépassaient d'elles. De grandes jupes froufroutantes qu'on pouvait soulever, d'opulentes chevelures qu'on pouvait emmêler, des colliers, des sautoirs très longs, des talons interminables, la femme était un accessoire ludique. Avec une femme on avait toujours de quoi s'occuper les mains. Il y a un énorme double sens dans cette phrase, les cailloux pour me lapider sont à droite.
" Je suis sûr que je me souviendrai, Luo. Maintenant que je suis au courant je me souviendrai. Et puis si j'oublie, tu n'auras qu'à ma rappeler, ajouta-t-il, aguicheur, en souriant dans le noir, et son sourire s'entendait dans sa voix.
Il battit des cils, se rallongea en posant sa tête sur les cuisses de ludivine, en attendant une réponse. ça ne servait à rien d'attendre immobile puisqu'elle était si lente à répondre, ce soir. - quand il fait noir, c'est le soir, dans la tête de John. Comme pour les mouettes en fait. Haha, j'ai compris, John est une mouette! -
" Dites, je sais que ça n'a rien voir, mais vous avez des cookies?
Il sembla réfléchir, puis
" Et tant qu'on y est, vous voulez pas me dire un truc du genre ' tais toi et embrasse moi '? j'ai vu ça dans un film. Vous seriez mignonne si vous disiez ça. Vous savez que Leomil est de retour? Je ne vous ai pas parlé de Leomil? Il est brun et il me fait peur. Comme vous en fait! Quoi que, vous n'épilez pas vos sourcils, vous. c'est mal ça, Luo, très mal. Bref. Alors, c'est oui? "
Il tendit les bras au dessus de sa tête, effleura les deux joues de sa secrétaire, puis attrapa deux grosses mèches de cheveux, et tira doucement, très doucement, pour obliger Ludivine à pencher la tête vers lui.
Son souffle avait une odeur d'alcool, forte et entêtante. Toutes les filles qui avaient embrassé John avaient trouvé ça un peu grisant, mais sans doutes elles étaient loin de se douter que ça n'était pas du tout l'amour, mais bien une solution diluée à 6 degrés qui leur faisait tourner la tête.

" Luooo, luoooo "

On aurait dit qu'il chantonnait, qu'il était comme un gamin tout seul dans le noir qui s'occupe en faisant des ponts avec des cailloux ou en chantant des chansons. C'était l'impression qu'il donnait. Celle d'un insouciant petit gamin blond qui était étalé sur ses genoux et ne voyait pas où était le problème, non, vraiment, pourquoi ne pas nous aimer dans nos rêves, Luo? Nous aimer, c'était un bien grand mot. Sortir ensemble, du moins. Et pouvoir nous embrasser et nous regarder comme on ne peut pas vraiment le faire quand vous devez jouer le rôle de la méchante secrétaire et moi celui du beau directeur adjoint alcoolique. C'était ce qu'il lui disait en somme. Et puis est-ce que vous avez des cookies Luo? Et est-ce que je vous ai parlé de Leomil? Il faut que je vous parle de Leomil. Et elle restait silencieuse et elle écoutait, comme une mère qui écoute son enfin raconter des choses bêtes et terriblement importantes, exactement.
On s'étonne qu'elle arrive pas à le considérer comme un homme, hein. Comment le pourrait-elle lorsqu'il peut jouer son rôle à la perfection une minute, et se retransformer en enfant celle d'après? Admettez que ça laisse dans le doute. Gamin adulte, adulte-enfant. Allez savoir, pas besoin d'étiquette, c'était John, elle doutait qu'il y en ait deux comme celui-là dans le monde - et tant mieux, d'ailleurs.
Et donc Luo en secrétaire responsable écoutait les mots de John et elle ne trouvait pas grand chose à dire, non, vraiment. Parce que c'était frustrant, vous comprenez ; il avait ses intonations d'enfant, les inflexions légères, mutines, boudeuses, comme on aurait aussi pu qualifier ses mots, et pourtant c'était bien un homme qui était allongé sur ses genoux, bon, un jeune homme, un jeune homme avec une très légère odeur d'alcool et de chocolat au caramel et des cheveux très blonds et très doux qui lui caressait la peau. Comprenez qu'elle ait du mal. Un peu. Cette pauvre Luo. En entendant la voix de John comme ça, tout près d'elle, ça la trouble un peu quand même, surtout quand il attrape ses cheveux et qu'il la tire vers elle comme s'il allait l'embrasser, ça lui tire un peu les cheveux mais elle n'ose rien dire.
Alors Luo, penchée, et ça n'était pas vraiment une position très agréable parce qu'elle avait les jambes tendues à cause de John et qu'elle n'était pas excessivement souple, décida de répondre comme ça.
" Je n'ai pas de cookies. Et vous ne m'avez pas parlé de Leomil - et je les épile, mes sourcils - mais je n'ai pas très envie que vous m'en parliez, et je ne pense pas que vous serez capable de vous souvenir mais ça c'est votre problème alors... "
Bon. Il serait toujours temps de réfléchir plus tard à la situation très étrange dans laquelle elle était en train de se fourrer. Ceci était une très mauvaise pensée, mais elle servait juste de cache à sa conscience pour lui permettre de parler librement.
" Alors c'est oui. Je suppose " hésita-t-elle en se demandant si elle rajoutait la partie 'et je ne serais pas contre le fait que vous m'embrassiez non plus' qu'elle rangea finalement dans un tiroir. Autant ne pas rendre la situation plus compliquée.

Luo n'y comprends rien. Bourrique. Elle ne comprend pas qu'elle a eu droit à un traitement de faveur jusqu'à maintenant. Elle a été épargnée, en fait. Alors, non, John ne l'embrassera pas, pas maintenant. Il a décidé qu'il ne la toucherait plus ici. À quoi bon, puisqu'ils auront des heures, des journées entières, s'ils en ont envie, à passer ensemble, des journées qui seront quelques minutes dans cette réalité ci. Pourquoi la serrer dans ses bras entre deux étagères sinistres alors qu'il y avait le monde merveilleux de leurs rêves pour ça.
Alors John se releva, John prit Ludivine par les épaules, et John dit, avec tout le sérieux dont il était capable ( donc tout de même assez calme, presque un peu froid )
" Je vous remercie, Lewis. Sincèrement. Je sens qu'on va vivre quelque chose d'unique. "
Puis la tension retomba et il se mit à jouer avec les doigts de sa secrétaire.
" Vous avez des somnifères? "
Il n'en était pas sûr, mais il lui semblait que sa secrétaire avait toujours ces petits cachets jaunes et bleus dans une boîte ronde, ovale peut être, une très jolie boîte d'ailleurs, tachée, avec un paysage sur le couvercle. Parfois, quand il revenait sur la pointe des pieds après s'être enfui quelques heures, il retrouvait la jeune femme légèrement penchée au dessus de son bureau, la bave aux lèvres ( ne me tue pas, Luo, ne me tue pas, Luo ), endormie. Mais alors, il pensait simplement qu'elle voulait tuer l'ennui en s'échappant dans un sommeil sans rêves. Il lui en voulait presque de ne pas l'avoir convié plus tôt à la fête, de ne pas lui avoir pris la main plus souvent. Elle l'avait laissé de côté.
" On pourrait s'endormir maintenant, tous les deux. Personne ne nous dérangerait ici. Même si c'est pas confortable. "
Où iraient ils d'abord? La maison en bord de mer lui plaisait bien mais il avait bien d'autres résidences tout aussi douillettes. Et pourquoi pas....?
" Je connais un endroit vraiment très agréable " sourit-il, très près du visage de Luo, son souffle glissant sur la peau de sa joue, avec une légère impatience, un excitation d'enfant dans la voix.

" J'en ai " fit-elle tout bas comme si elle en avait un peu honte, ce qui était le cas, en glissant les doigts dans sa poche pour y chercher la petite boîte en fer-blanc où s'entrechoquaient les cachets. C'était une vieille boîte d'Anis de Flavigny au citron qu'elle avait achetée avec sa mère dans une vieille confiserie lorsqu'elle était petite, et dans laquelle elle avait toujours promené ses cachets depuis qu'elle avait fini les premiers bonbons. L'image et le nom s'étaient un peu effacés, et le fer était un peu cabossé, mais l'odeur de citron s'échappait toujours de temps en temps lorsqu'on ouvrait la boîte. " Je ne peux pas faire que travailler lorsque vous partez je ne sais où, mon travail, je ne peux pas le faire sans vous " se justifia-t-elle tout de même, bien qu'à ce stade de l'histoire tout le monde se fiche un peu de ses excuses et veut juste une scène torride entre John et Luo sur une plage à Ibiza. Ou pas. Bref. Elle sortit la boite de sa poche et ouvrit ses doigts pour la découvrir, parce que c'était quand même une toute petite boîte, et en ouvrit très doucement le couvercle en évitant de crever un oeil à John au passage parce qu'il était si près d'elle qu'à n'importe quel mouvement brusque qu'elle faisait il aurait pu se prendre un coup, et en sortit deux cachets très légers qui fondaient sur la langue, elle n'avait pas besoin de somnifère très fort pour s'endormir, son sommeil était toujours au coin de ses yeux, près à l'emporter au moindre instant d'innatention. Il ne restait qu'à espérer que John s'endorme aussi facilement qu'elle.
Elle prit un des cachets, chercha la main de John dans l'obscurité et y glissa le somnifère, avant d'en prendre un elle-même.
" Pas besoin d'être installés confortablement, du moment qu'on dort. Le cachet fond sur la langue, pour peu que vous ayez le sommeil un petit peu facile, ça devrait y être dans quelques minutes. Moi ça m'a toujours suffit. "
Elle leva le cachet à hauteur de sa bouche et le posa sur sa langue, sentant le goût familier lui envahir la bouche comme il l'avait tant de fois fait lorsqu'elle était gamine et qu'elle se faisait ses piqûres de rêve à la récréation. Elle aurait pu rentrer simplement dans le rêve de John une fois celui-ci enclenché, mais s'ils étaient tous les deux endormis, elle aurait une plus grande liberté de mouvement - n'étant pas obligée d'évoluer uniquement avec les pensées de John. De toute façon son don était compliqué et incompréhensible, et puis elle avait juste envie du goût du somnifère en fait. Voilà.

John hésita une seconde, puis ouvrit la bouche et laissa fondre le cachet sur sa langue en faisant la grimace. Il n'aimait pas le gout des médicaments.
L'alcool et le cachet firent rapidement effet. Il sentit son dos se détendre et glissa sans lutter dans le sommeil. Sa tête retomba sur l'épaule de Ludivine, son nez se nichant dans son cou, et il murmura un vague ' bonne nuit, Luo Luo ' avant de fermer les yeux. Sa respiration était sifflante, tout près de l'oreille de sa secrétaire.

http://www.deezer.com/listen-5608380

La neige.
Bien emmitouflé dans un manteau en drap de laine, John regardait tomber les petits flocons sur la voie. Une locomotive à vapeur flambant neuve attendait gentiment au bout du quai, vers laquelle se pressaient des hommes et des femmes bien habillés. Le jeune homme chercha Luo du regard et, voyant qu'elle n'était pas encore arrivée, s'enfonça confortablement au fond de sa banquette. La gare était vaste, très haute, la construction typiquement Eiffel, mais John y avait rajouté sa petite touche en remplaçant les bancs de bois par de luxueuses assises cuir et acajou. Les cuivres luisaient dans la lumière des becs de gaz, les femmes portaient des bonnets ou du petit gris, tout semblait étrangement ancien et pourtant les rampes, les marbres, les vitres étincelaient comme s'ils étaient neufs. Dehors c'était la nuit, il était sept heures du matin, il y avait cette agitation caractéristique, ces bagages déchargés, tout à la fois si complexe et si bien ordonné, et ce microcosme figé, ce petit bout de 1930, sortaient tout droit de l'imagination de John. Il est donc bon à autre chose que tringler le petit personnel en jupe. Je l'aurais pas cru.
Il contempla sa création avec un sourire. Une grande écharpe à carreaux le protégeait du froid - et lui donnait un air de taliban écossais -. C'était pas mal. C'était romanesque. Une petite fille en pleurs couraient le long de la voie neuf. Ha, ce qu'il aimait les matins d'hiver.
Une alarme retentit, un train se mit péniblement en branle, puis disparut dans un panache de vapeur, englouti par l'ombre.
" Il manque une bande son, tu ne crois pas Luo? "