Zachary fit maladroitement éclaté sa bulle de cheewing gum, sans cesser de tourner sur son siège à roulette. On pourrait penser qu’il n’avait rien à faire mais, ce n’était pas le cas. Il était comptable.

Lorsqu’on l’informa de sa fonction, aucun trait de son visage de bougea. Aucun mot ne franchit sa bouche. Mais il n’en pensait pas moins : « Qui est l’abruti qui m’a foutu à la comptabilité ?». Encore un ou une qui devait se dire qu’il devrait aimer la vérité des chiffres. Mais il n’en avait rien à cirer, sauf quand cela indiquait le montant de son salaire. Au contraire, les chiffres demandaient de la vigueur, de la précision et de la concentration. Tout ce que n’avait pas Zack, en bref. Il préférait de loin l’anglais, et surtout l’expression écrite où la nullité d’un style s’excuse justement par le style (parait-il qu’on ne discute pas le gout et les couleurs). Enfin bon. Il avait beau causer, cela ne l’aidait pas pour autant. Il n’avait jamais été comptable, ne savait pas vraiment en quoi cela consistait et s’en fichait pas mal (mais quand même, quelle idée ! A quoi servait son CV, alors ?). Il achèterait le bouquin « la compta pour les nuls » et apprendrait sur le tas, pour au moins dire qu’il ne faisait pas rien. Mais cela attendrait ce soir ou demain, car il n’avait vraiment pas envi de travailler maintenant. Il avait encore quelque chose à faire.

Après trois jours ici, il avait eu tout le temps qu’il désirait pour visiter l’établissement. Sauf le coin des patrons, évidemment. D’ailleurs, il ne savait toujours pas pour qui il travaillait… Mais cela ne changeait pas sa façon de vivre, de savoir ou pas. Seulement, il allait falloir y remédier. S’il envisageait une place au sein de ses dirigeants, il fallait savoir qui ils étaient et ce qu’ils faisaient. Enfin une bonne raison d’arrêter de buller !

Zachary se leva, main dans la poche, l’autre à sa bouche pour retirer le cheewing gum et le coller sous le bureau d’un de ses collègues. Il soupira et passa sa main dans ses cheveux, tentant de faire s’évanouir son air d’endormi –par l’ennuie, injustifié cette fois. Il avait l’intention de faire un tour au cinquième, fouiner un peu, puis au sixième. Juste jeter un œil sur son prochain bureau. Et puis s’il pouvait croiser une personnalité importante et se la mettre dans la poche, se serait vraiment génial ! Il avait bon espoir, il s’était entrainé à être gentil et souriant durant ses heures libres cette semaine. Inutile de préciser qu’il en avait eu beaucoup.

Son doigt appuya sur le bouton d’appel et il attendit patiemment. Il entra enfin lorsque les portes s’ouvrirent et pressa directement sur l’étage numéro cinq, en restant planté devant les portes. La cabine était couverte de miroir et il pouvait s’apercevoir dedans, lui et sa cravate négligemment attaché. Il la resserra tandis que les portes se fermaient, l’air agacé. Il avait l’impression de se pendre !

Il fallut deux secondes supplémentaire pour apercevoir la jeune femme qui partageait l’endroit, tandis que l’appareil montait. Elle était mignonne dans sa jupe noire et son chemisier était tout aussi ravissant. Zack sourit poliment, totalement inconscient d’avoir bloqué la sortie à cette jeune demoiselle. Et puis, même s’il l’avait vu, il lui aurait quand même barré la route. Il fallait bien apprendre à connaître ses collègues, non ?

« Bonjour. Je suis Zachary Hill, à la comptabilité. »

Il lui tendit la main et regretta de ne pouvoir la saluer à la française. Le peu d’étage à monter avec elle allait sembler bien trop court.

Heureusement –ou malheureusement-, l’ascenseur s’arrêta brusquement alors qu’il n’était pas encore monté au cinquième. Zachary se retourna et constata avec agacement que le nouvel invité allait plus le gêner qu’autre chose. Dieu avait manifestement decidé de briser tous ses espoirs d'amitié.

La jeune demoiselle s’appelait donc Elizabeth Hills. Eh bien, son nom lui était familier. Mais c’était un nom courant en Angleterre, donc peu de chance que ce soit une cousine éloignée ou autres balivernes. De toute façon, qui s’en souciait ? Zachary serra doucement sa main et la laissa retomber pour la remettre dans sa poche.

De base, Zack n’était pas très enthousiasme à l’idée que le duo de l’ascenseur se transforme en trio. Mais quand un blondinet avec un sourire de minet et l’air enfantin –idiot- entra, on ne pouvait même plus parler d’enthousiasme. Zachary le reluqua du regard, un brun méfiant avant de jeter un coup d’œil à ses pieds. La silhouette se reflétait un million de fois et dieu merci, il n’y en avait qu’un seul qui chantonnait. Un million de blond gamin et pété de thune –oui car, cela se voyait comme le nez en beau milieu de la figure-, c’était bien trop pour Zack. Il enfonça ses mains dans ses poches avec un micro soupire et détourna le regard sur la jeune femme, avant de regarder ses propres reflets. Voilà, un million de Zack, c’était déjà mieux.

Le fait de redescendre n’embêtait pas Zach plus que cela. Ce n’était pas comme s’il était pressé. Cependant, lorsque la machine décida de son propre chef de se stopper, il la prit mauvaise. Non, il n’aimait pas les surprises, encore moins quand elle impliquait de se retrouver enfermé pour une durée indéterminée.

« Il semble bien que nous soyons coin-cés »

Son regard qui jusqu’à maintenant était fixé sur les portes, se tourna vers le blond, dont il ignorait encore le nom. Est-ce qu’il rêvait où il lui semblait qu’il n’en avait rien à faire ? Sans compter qu’à présent, il était négligemment assis par terre, comme résigné. Mais qui avait accouché de cet abruti là ? Une vraie loque !

Le toisant comme il l’aurait fait avec un cafard, il jeta un coup d’œil à Elisabeth qui malheureusement pour lui, semblait tout autant résignée. Et deux résignés sur trois, c’était déjà trop. Il fallait bien quelqu’un pour rappeler aux autres qu’ils étaient bloqués pour peut-être des heures, dans un endroit confiné où ils allaient mourir de faim et de soif, et où il n’y avait même pas de toilettes ! Mais… Pourquoi cela devait-il être lui ?

« Tu dis ca comme si c’était normal. »

Tu, oui, tu. Il avait oublié d’être aimable, finalement. De toute façon, le blond ne le méritait pas et il savait que la jeune fille devant lui était du genre coincée. Il n’y avait surement aucune chance qu’il couche avec elle dans les quarante-huit heures. Alors il pouvait bien montrer son caractère de cochon.

Il fit un pas vers les boutons et commença à appuyer avec nonchalance puis après deux secondes, avec un empressement. Non, il n’allait pas pouvoir tenir ici, surtout pas dans cette petite cabine –bon, pas si petite que ca. (Mais la vérité, c'était qu'il ne se sentait pas capable de rester zen avec les deux personnes coincées avec lui. Surtout une, en fait.)

Il se retourna, les bras croisés et l’air embêté. Il n’avait pas envi de rester là, mais ne voulait pas non plus s’agiter à sortir. Il avait… la flemme. Mais vu que personne n’avait l’air pressé… Roh, pour une fois qu'il semblait ne pas se foutre de la situation, personne ne semblait s'en inquiéter ? C'était abusé! Il soupira à son tour et lacha autoritairement, comme s'il s'adressait à des garnements :

« Ne restez pas planté là. Téléphonez, hurlez. Faites quelque chose. »

Pourquoi ne pas faire l’autre, là, remonter le câble et appeler de l’aide ? Comme ca Liz et lui seraient seuls. Et si le blond tombait, au pire, cela ne ferait pas une grosse perte.

Oh, et surotut, faites ce que je dis et pas ce que je fais.

«Bien sûr que c'est normal. Luo Luo m'avait prévenu, mais je n'ai pas écouté ses conseils, me voilà puni. J'accepte mon sort avec résignation, si Dieu le veut, l'ascenseur repartira avant midi. »

Sa mâchoire se sera jusqu’à presque grincer. Non. Il n’était quand même pas en train de dire qu’il savait ce qu’il allait arriver et qu’il avait omit de les prévenir ? Eh ben si. Maintenant c’était sûr, Zachary n’allait pas tarder à le haïr s’il continuait les confidences. Mais il ne pipa mot, certain qu’il sortirait des paroles assassines, bien méritées d’ailleurs. Il se contenta de regarder sa montre à son poignet. 9H05. Zack se sentit presque se liquéfier à l’idée de rester coincer là pendant trois heures. D’où son autoritarisme pour « motiver » les autres à chercher une sortie.

S’en suivit un délire stupéfiant par sa stupidité. Il fallait arrêter les clichés ! Etre anglais ne suffisait pas à rester zen quand on était prit au piège dans un lieu étroit et hostile (oui, hostile). Et sa reine, il pouvait se… Hum Hum. Nul doutes que si elle était là, lui aurait un peu plus bougé.

« Rien à foutre. C’est à cause de toi qu’on est là, alors appelle ta Luo Luo et sortons. »

S’il les avait prévenus que l’ascenseur était en panne, Zack et Liz ne seraient pas bêtement là, à rien faire sinon s’énerver –même si Zachary était le seul à s’agiter. John aurait pu subir sa punition divine toute seul, il n’avait pas besoin d’eux !

Joignant le geste à la parole en constatant que le mollusque blond préférait draguer, il chercha son téléphone dans sa poche. Il chercha, fouilla quelques secondes… Avant de se souvenir de l’avoir posé à coté de la souris de son ordinateur, après une partie de sodoku. Et merde.

«Au fait, je m'appelle John Rose, enchanté. Personne ne semble le savoir ici, alors je précise simplement que je suis le directeur adjoint de la waldon corporation. »

Zachary cessa de chercher pour regarder John Rose. Il regarda ses vêtements, ses cheveux en bataille, la position dans lequel il était assis, ses gestes las et finalement, se remémora ses dires. Puis s’en pouvoir se retenir, il rit, presque aux éclats. Cela faisait longtemps.

« Bien sur. En tout cas il vaut mieux que tu sois directeur d’entreprise que comique. Même si ce fut très drôle sur le coup. »

Tentant de calmer le tremblement de ses épaules, il se cala contre le miroir derrière lui et retira sa veste pour la mettre à terre, ainsi que sa cravate. Il se sentait plus à l’aise et arriva à se calmer après quelques difficultés. Franchement, qui pourrait croire ne serait-ce qu’une seconde que la larve qu’il avait en face de lui était le directeur (adjoint) d’une entreprise de six étages et surement d’une centaine de salariés ? Il devait avoir entre vingt et un et vingt quatre ans maximum et ressemblait plus à un surfeur dragueur. Et surtout, l’entreprise allait mal tourner si l’adjoint se laisser enfermer dans un ascenseur avant de s’asseoir pour mieux comprendre la punition qu’il lui était infligé. Non, vraiment, c’était le prendre pour un idiot. Personne de censé ne pouvait gober ca, dans une telle situation (ou dans une autre, pensait Zack).

« Enfin, sur cette plaisanterie… »

Il esquissa un sourire, ce qui n’était pas très courant, avant de regarder John et Elisabeth comme de parfait bouffon. John car c’était sa définition parfaite pour le moment, et Liz à cause de sa docilité et sa crédulité envers Mr. Rose. Pauvre fille, un peu trop naïve… Il espérait bien qu’elle ne croyait pas John.

« Zachary Hill, se présenta-t-il. La jeune femme à coté, c’est Elizabeth Hills. Et non, nous ne somme pas cousins. »

Il ferma les yeux un instant. Il aurait bien aimé pouvoir se présenter comme le cousin éloigné de Lady Di pour lui rendre la pareille, mais il ne pouvait évidemment pas mentir, même pour rire. Quand au « enchanté » de politesse, cela non plus, il ne parvenait pas à le sortir. Par contre, présenter sa collègue, il n’y voyait aucun problème. Elle semblait tellement bouche bée ou rêveuse qu’il était presque certain qu’elle ne les voyait plus. Si ca continuait elle allait s’endormir. Et lui aussi, juste pour le plaisir de se réveiller et de voir que le temps s'était écoulé. A moins qu’on puisse vraiment mourir à cause du manque d’oxygène de la cabine.
Zachary se laissa glisser également dans un énième soupire. Il allait rester là trois heures, à moins qu’on vienne les aider, alors autant s’asseoir.

« Bordel de merde, je déteste mon boulot. » , souffla-t-il à lui-même en baissant sa tête comme s’il portant le poids du monde.

Et il était vrai qu’il détestait son boulot. Zack détestait tous ses boulots. Mais moins que le fait de travailler.

" Mais je... Je suis vraiment directeur adjoint de l'entreprise. Je veux dire... sérieusement... "

Oh, ca va deux minutes, après, ce n’est plus drôle ! Zachary poussa un micro soupire, ou plutôt, s’apprêtait à le faire quand le blondinet sortit sa carte plastifiée. Il avait exactement la même, ci ne n’était la photo et les détails d’identité. Mais quelque chose de spécifique attira son œil et, s’avançant un peu, il attrapa la carte mollement. Ce type est fou, pensait-il, il n’y a aucune chance qu’il soit si plus gradé que moi. Mais Zack tomba de haut. De très très haut.

« C’est… »

Pas possible, ce n’est pas possible ! Le brun fronça les sourcils, examina encore plus activement la carte, au point que celle-ci n’allait pas tarder à fondre. Mais il ne faisait aucuns doutes, il était bien écrit noir sur blanc, « directeur adjoint ». Zack pâlit, mais heureusement, grâce à son teint naturellement pâle, cela ne se vit pas. Ses mains lâchèrent le badge qui tomba au sol et l’expert comptable lui donna un coup de main un peu brusque pour l’envoyer du coté de son proprio.

Il n’en croyait pas ses yeux. Pire, il se sentait bouillir de colère, à la fois de savoir que ce blanc bec était son supérieur, mais également de savoir qu’il lui était impossible de faire marche arrière. D’accord, il ne pouvait pas saquer ce mec mais il restait son supérieur hiérarchique et il pouvait facilement le virer. Seulement, il lui était désormais impossible de se montrer poli ou aimable envers lui, ce serait comme s’agenouiller. Et un Hill ne s’agenouillait jamais.

« Moi aussi, je déteste mon boulot. Des dossiers, des dossiers, et encore des dossiers, à longueur de journée. Il semble que ma signature au bas de vos rapports factices soit indispensable pour que tout continue de se dérouler en bon ordre. C'est à dire que je dois trimer comme un esclave tandis que vous faites des parties de démineur sur vos ordinateurs. »

Et maintenant il se foutait de sa gueule ?! Ses sourcils se froncèrent si fort qu’il en était devenu effrayant, durant une vague seconde, avant de se lever avec rage. Il agrippa la barre et la serra de toutes ses forces pour être certain que son poing n’irait pas valdinguer ailleurs. Ce feignant, directeur adjoint alors qu’il n’en avait visiblement rien à faire, se permettait de se plaindre ? Zachary prit toute la peine du monde à ne pas sortir ce qu’il voulait dire. Mais cela ne suffisait pas, car il le sorti quand même :

« Tu ressembles autant à un directeur que moi à un travestit. Et pour un esclave, je te trouve bien détendu. Tu ne devrais pas être dans un bureau entrain de signer ta paperasse soi-disant factice, plutôt que d’être coincé ici à rien foutre, les bras ballants? »

Zachary était persuadé qu’il avait sortit cette tirade dans le seul but de l’énerver. Comment pouvait-on se plaindre de trimer comme un esclave, quand on est le cul par terre dans un ascenseur, entrain de titiller les cheveux d’une secrétaire soumise ? S’en était trop, vraiment trop. Il se passa la main dans les cheveux, tentant de s’apaiser. Il n’avait pas l’habitude de s’énerver. Ca ne lui arrivait pas souvent, sauf quand une mauvaise surprise lui tombait dessus ou quand on se moquait de lui. Et là, il avait les deux combinés. Ce qui était surement le pire, c’est que quand il était en colère, même s’il n’haussait pas le ton (il était agressif dans ses propos, mais ne criait jamais), il se mettait à parler un peu trop. Zach savait qu’il devait se contrôler, car qu’il le veuille ou non, c’était son patron. Mais ca semblait très mal partit. Il n’arriverait JAMAIS à lui décrocher un sourire ou une politesse, encore moins une quelque conque excuse. Surtout si ce n’était pas sincère. Et oui, c’était un des principaux défauts de son « don ».

« C'est étonnant d'être Directeur Adjoint d'une entreprise pareille à votre âge. Vous êtes encore jeune, non ? »

Mais qu’est-ce qu’on s’en foutait, sérieux ? Et puis évidemment, qu’il était jeune ! Cet idiot devait avoir le même âge que lui ! Rah, que c’était rageant ! (Non, il n’était pas du tout jaloux…)

« Moi, je voyais les personnes de la Direction comme des vieux barbus ou des femmes d'âge mur à chignon avec un balai dans l'cul... »

Encore une fois, Zachary fut secoué par un bref rire ironique.

« Je pense que c’est plutôt le balais de Mr.Rose qui a atterrit dans le cul de la directrice. »

Après cette vulgarité qui allait forcément lui couter sa place (là, il en était sûr et certain mais bon, il n’aurait de toute façon pas tenu trois heures alors autant s’amuser), Zachary jeta un œil à John, un sourire si moqueur à ses lèvres qu’il avait encore l’impression de rire. Mais en même temps, Zachary était certain qu’il avait en effet couché avec le responsable. Il n’y avait pas d’autres solutions. C’était surement ce que John savait faire de mieux, vu son visage d’ange. (Et entre nous, Zachary est du genre à penser que seul le résultat compte, alors si John avait effectivement eu sa place comme cela, c’était bien joué de sa part.)
Tentant quand même de faire bonne figure, il se mordit la lèvre pour cesser de sourire, mais c’était foutrement difficile pour lui.

« Je suis désolé si je vous ai choqué, mademoiselle Hills. Ca m’a échappé. »

Là au moins, ce n’était pas un mensonge. Rangeant pour de bon son sourire, il s’affala de nouveau sur le miroir en restant debout. Il était trop énervé pour s’asseoir à présent et puis bon, il prévoyait assez bien une réaction comme qui dirait… agressive, de son cher et tendre directeur. En tout cas, à ce rythme là, cela ne risquait pas de tarder… Oups.


[Mon dieu, je sais pas comment ca à déraper à ce point là mais Zach est tellement en rogne et cette dernière réplique était trop tentante, désolée XD Soit indulgent, mon petit et mignon tout plein John ♥]

Voir John offensé était surement la chose la plus magnifique qu’on pouvait lui offrir avant son renvoi. Cette expression outrée sur son petit visage de minet arrogant (enfin, c’est ce que pensait Zach), lui allait à merveille. Oui, vraiment, s’il pouvait partir avec au moins la joie de l’avoir vexé ou blessé, ce serait comme si on lui donnait un lingot d’or.

Malheureusement, le plaisir fut de très courte durée.

« Hé bien, hé bien... Mrs Felton serait horriblement fâchée d'entendre ça. Vous avez de la chance, je suis beaucoup moins... - il chercha le mot exact - beaucoup moins impitoyable qu'Olivia. Je me contente d'être cruel pour le plaisir. Je fais ça en dilettante. »

Ces mots l’arrachèrent à son bonheur précaire de futur chômeur. (MAIS, il avait cependant relevé le terme familier ‘Olivia’, ce qui confirmait sa vulgaire théorie.)

«Vous êtes un peu simplet alors je vais le dire lentement. J'ai l'honneur de vous annoncer que vous venez d'être affecté au nettoyage des toilettes. Je veillerai personnellement à ce que vous ne soyez jamais, jamais augmenté, vous avez compris? Bravo mon vieux, moi vivant vous ne gravirez plus un échelon dans cette entreprise. »

Ce fut au tour du brun d’ouvrir les yeux avec ahurissement. Comment ca, affecté au nettoyage des toilettes ? Il était où, son renvoi pour insubordination ?

Son cerveau n’eut même pas besoin d’explorer tout ce que cette possibilité impliquait (toilettes bouchées, odeurs désagréable, crasse…), qu’il se révoltait déjà. Soit il allait démissionner (ce que malheureusement, bien qu’il ne le sache pas encore, il ne pouvait faire), soit il allait rester juste pour enmerder encore plus ce crétin de Mr.Rose. Oh oui, voilà. S’il restait, il allait amèrement lui faire regretter de ne pas l’avoir viré sur le champ. Mais pour le moment, ce n’était pas à cela qu’il pensait. D’ailleurs, il ne pensait pas (ou plus). Ses traits s’étaient figés en même temps que sa faculté de réflexion à l’annonce de cette nouvelle humiliante. Mais le contact de la main du boss sur son épaule le ramena à ses esprits. Un peu comme si on vous laisser tomber de l’eau chaude sur le pied. La rage de la douleur (ici mentale) vous rendait beaucoup plus vif.

« Espèce de… »

Il lui agrippa le bras avec virulence, et le pressa avec une poigne de fer (qu’il avait forgé à force de cours de muscu qu’il haïssait, mais qui s’avérait enfin utile). Mais à peine eu-t-il le temps d’ajouter une injure, que la chère demoiselle Hills tomba durement sur les tibias de John. Zachary, interloqué, resta la bouche entre-ouverte une petite seconde avant de la refermer en relâchant légèrement la pression sur John. Pourquoi est-ce qu’on ne lui laissait même pas le temps manifester son mécontentement ?!

« Oh. »

Prononcé sèchement, cette onomatopée n’avait pour but que de la secouer un peu. Ce qui ne fut pas le cas. Il ne put retenir un soupire et poussa sa pointe de pied contre le corps inerte (mais juste pour être sur, hein !). Voyant que la demoiselle ne bougeait pas, il consentit enfin à un minimum s’inquiéter.

« Comme si on avait besoin de ca », râla-t-il en poussant John (un peu fortement, mais bon…) afin de pouvoir s’accroupir à coté de la demoiselle, dont la position laissait, je le précise, entrevoir sa culotte (mais ce n’est qu’un piètre détail et Zach n’y fit pas attention).

Il la secoua légèrement avant de conclure, sans se retourner vers son patron :

« Mademoiselle Hills est tombée dans les vapes. Soit l’air lui manquait, soit elle trouvait votre vue insupportable. Je penche pour la deuxième. »

Tout cela dit sèchement –et notons le vouvoiement qui ajoutait encore plus d’ironie-, alors qu’il posait sa main sur son front. Bof, ca devait pas être bien grave. Zachary aussi, aurait préféré s’évanouir plutôt que de rester avec John encore un peu plus longtemps.

Zachary se passa volontiers de répondre à la remarque de John. Evidemment, que Zach avait du succès, comme tous les garçons bien foutu qui avait l’air ronchon et mystérieux (Sasuke powaaa), bien que le jeune homme ne l’était pas tant que ca –mystérieux, car il était assez ronchon.
Mais il lui céda un regard quand le blond s’agenouilla en face de lui pour… claquer Elizabeth. A la première baffe, Zach ne sourcilla pas –il aurait surement fait de même-. Mais à la quatrième, il sembla déconcerté. Quand une dizaine suivit, il ne bougea pas d’un pouce, rivant ses yeux écarquillés sur le corps de la jeune fille qui tremblait dans ses bras. Il ne savait vraiment pas quoi dire –encore moins faire- devant un tel spectacle, aussi surprenant qu’inquiétant.

« Elle ne se réveille pas... Mais au moins elle a meilleure mine »

Parce que tu l’as giflé pendant deux minutes ? En effet. Ce type est totalement barge, ne put-il s’empêcher de penser. Zach resta muet de stupeur. Il ne pensait pas John atteint à ce point.

« Wow… », souffla-t-il tout bas, en secouant un peu la jeune fille.

Il la plaignait légèrement. Légèrement car il devait bien avouer qu’au fond, il s’en foutait. Zachary n’était pas du genre à ce faire du souci, même pour ses amis. Alors pour les inconnus… Son seul souci était de trouver de l’argent pour payer son loyer et de quoi manger –et draguer, c’était très important. Et après, il se demandait pourquoi il avait si peu d’amis ?

En tout cas, il préférait être un je-m’en-foutisme qu’un kéké des plages, entrain de se reluquer tout seul devant les miroirs d’un ascenseur. Non mais franchement ! Il fallait le voir, le directeur adjoint ! Il s’attendait peut-être à avoir un défilé de mode en sortant, ou alors que les miroirs se mettent à le siffler ? Cela décrocha une grimace sur le doux et gentil visage aimant du brun.

« Et…Qu'est-ce qui vous fait dire que je couche avec Mrs Felton? Je suis peut être moins jeune que j'en ai l'air, vous savez? Et peut être plus diplômé aussi. »

Il haussa un sourcil, exaspéré. C’était tellement évident, il ne voyait même pas l’intérêt de lui répondre.

« Vous êtes un peu simplet alors je vais vous le dire lentement, commença-t-il en imitant John quelques minutes plutôt –non sans un certain amusement. Que vous ayez vingt ou vingt-cinq ans, rien je justifie votre place, si ce n’est deux choses : La baise et le fric. Et je ne pense pas me tromper en affirmant que vous usez des deux. Dites moi seulement le contraire, si vous l’osez. Vous m’aurez l’air juste un peu plus hypocrite. »

Il haussa ensuite légèrement les épaules. Des études assez courtes pour valoir le poste de directeur adjoint, qui demandait qui plus est de l’expérience ? On n’allait surement pas lui faire ce coup là, pas à lui, qui avait un bon moment cherché des études comme cela. Et puis, ce type puait le fric à des milliers de kilomètres. Encore une raison pour Zach de le détester. Surement en existait-il beaucoup d’autres mais celles qu’il avait sous les yeux étaient déjà largement suffisantes.

« Et si vous pouviez cesser de vous admirer comme si vous étiez le christ, ca serait parfait. C’est très énervant. »

Sur ce, il sentit le frêle corps bouger entre ses bras, et il reporta son attention dessus. La jeune femme avait rouvert les yeux mais semblait un peu troublé. Elle devait surement avoir mal aux joues d’ailleurs. Quand elle essaya de se redresser, Zachary lui donna un léger coup de pouce en lui tenant doucement la taille, et la laissa s’appuyer contre le mur.

« Excusez-moi. Cela m'arrive de temps en temps... »

Zachary ne pu dire pourquoi, mais il avait l’impression que la voix de la demoiselle était un peu différente, ainsi que son attitude. Surement car il était encore un peu énervé et qu’il ne faisait pas attention.

« Ah. En tout cas, pensez à prévenir, c’est assez impressionnant. Vous êtes sure que ca va ? »

Il aurait voulu ajouter qu’il s’était inquiété mais il n’arriva pas à en prononcer le moindre mot. Surement qu’il ne s’était pas tant inquiété que cela ! Dommage, il aurait bien aimé marquer un point au près de la demoiselle.

Le " Hé oui, je dis le contraire, j'ose. " de John l’excéda une fois de plus. S’il possédait son don, ce patron à deux livres n’aurait surement pas pu articuler de tels mensonges. Mais passons, ce n’était qu’un détail.

Après avoir vu John donner une barre au chocolat et avouer son penchant pour l’alcool –c’était sur, de toute façon-, Zachary se sentit très las. Il avait un mauvais pressentiment et ce n’était pas trop tôt (fallait avouer que les événements précédant n’étaient déjà pas très folichons).

« Peut-être est-ce les deux, monsieur Rose, car je ne contredirais pas le fait que je suis un peu différente. Merci pour le chocolat mais ça ira. »

C’était le moins qu’on puisse dire. La demoiselle semblait beaucoup plus confiante et sure d’elle, sa voix était assurée. Elle avait un charme plus resplendissant… Quel soudain changement. Si tomber dans les pommes faisait un tel effet, qu’attendaient les autres ?

"J'essaierais de prévenir la prochaine fois, si je le peux."

Il lui rendit son sourire, même s’il avait très bien compris où elle venait en venir.

"Il fait chaud ici..."

Son regard suivit les doigts coquins de la jeune femme, oui, il l’avouait. Quoi ? C’était un homme!
Après ce bref coup d’œil, Zachary se tourna doucement vers John et le poussa un peu plus loin d’Elisabeth en se justifiant :

« Il faut la laisser respirer un peu… »

Mais serrer l’épaule de John le soulageait. Après tout, ce type allait lui pourrir la vie, il pouvait bien se le permettre.

« Ne vous inquiétiez pas Mademoiselle. Mr.Rose va nous trouver un moyen de sortir. Après tout, c’est son entreprise, il doit bien la connaître par cœur. Et il n’est pas assez bête pour s’être volontairement laisser prendre au piège ici. Vous êtes entrain de vérifier la sécurité en cas de panne, n’est-ce pas ? »

Il hasarda un sourire et continua :

« A moins que vous nous testiez ? »

Puis il lâcha John et regarda la trappe de sortie du plafond. Il se fichait totalement que Jo' se soit vraiment laisser prendre au piège ou qu'il les teste. Ce qu'il voulait, c'était sortir au plus vite. Et il comptait bien trouver quelque chose pour arranger ca!

« Je propose que vous passiez devant, et qu’on remonte par l’escalier de secours… Vous avez l’air agile, ca devrait être facile pour vous. On ne peut pas risquer que Mlle. Hill s’évanouisse encore. »

Puis il se pencha à l’oreille de son patron et y murmura doucement, la voix pleine de sous entendu, de sorte que personne d’autre n’entende :

« Et puis, je suis sûr que tu n’es pas du genre à refuser quelques galipettes… »

Avant de se redresser, comme si de rien n’était, l’air tout à fait normal. Ni vu ni connu. Quoi, c’était mal élevé ? Mais c’est qu’il n’en avait à faire ! Et ce n’était pas de sa faute si un esprit pervers pouvait trouver une interprétation vulgaire à ces mots. Après tout, Zachary voulait juste dire que le blond aimait bien user de sa souplesse…

On pouvait se demander pourquoi Zachary s’étonnait encore de cette réaction tout à fait à coté de la plaque. John semblait –sans aucuns doutes même- être une personne naïve et simplette (pour rester poli). Il n’avait de cesse de comprendre tout de travers, mais alors VRAIMENT tout ! Seulement, il y avait des limites à ce que Zach pouvait entendre et se moquer, et ce dont il ne pouvait pas rire. Entre autre, se faire traiter de pédé par le mec le plus exécrable de la Terre –selon Zachary- et voir celui-ci rougir comme une vierge effarouchée à cause de son imagination un peu trop florissante. A tous les coups il pensait que Zachary allait profiter de la moindre occasion pour lui faire je ne sais quoi de suspicieux ! Ce fut au tour de l’ex-comptable de virer au rouge tomate, à la fois car il s’imaginait sodo…enfin bref, faire la chose taboue avec ce blondinet, mais aussi car Elisabeth devait se poser moultes questions sur son cas. Il n’avait pas souvenir de s’être déjà senti aussi humilié.

« Une propo-proposition…?! », s’étrangla-t-il à son tour, le teint plus que mûr.

Et voilà maintenant qu’il le discréditait devant Elisabeth –en plus de rappeler sa rétrogradation- ! Le comble ! Ce mec ne payait vraiment rien pour attendre !

« C’est vrai ! », s’écria-t-il.

… Euuh… Quoi ? A peine se rendit-il compte de ce qu’il venait de dire que le brun porta sa main à sa bouche, encore plus gêné. Zachary avait en effet prononcé beaucoup de grossièretés et il lui était impossible de dire le contraire. Dans la colère et la surprise, il n’avait pas prit le temps de réfléchir à ce qu’il aurait dû dire et la vérité était sortie alors qu’il voulait exprimer le contraire. Malheureusement, ces deux simples mots le mettait vraiment dans la mouise jusqu’au cou et ils incluaient beaucoup plus de sens qu’ils n’auraient dû.

« Je veux dire… J’ai dit quelques grossièretés mais, je ne suis absolument pas gai ...! »

Puis il se retourna, encore honteux et les joues roses. C’était de pire en pire ! Il fallait qu’il se calme ou son cas allait encore s’aggraver, si c’était possible. Retrouver son sang froid. Et puis, s’agiter était mauvais pour son cœur, il n’avait pas l’habitude.

« Alors comme ça vous me faites des cachoteries ? Mais vous pouvez tout me dire, vous savez... Allez... dites moi tout...!»
« Il n’y a rien à dire, je vous assure… »

Réponse du tac au tac, le souffle retenu. Zachary pouvait sentir parfaitement la poitrine de la demoiselle s’écraser contre son dos et évidemment, ses doigts visiblement mal attentionnés se balader sur son torse. Il ne fallait pas tenter comme ça le jeune homme, surtout dans un lieu si étroit. Mais c’était magnifiquement gratifiant et même rassurant, malgré l’intervention de John ! Décidément, celui-là aurait vraiment du ne pas monter. Quel enmerdeur.

«J'espère que vous n'êtes pas gai parce que vous me plaisez beaucoup... Ce serait dommage que vous préfériez ce blond nonchalant à moi et cela me rendrait triste... »

Non, non, non, on se calme mon petit Zach ! On range ses hormones, quand bien même une femme très bien fournie vous chuchote son intérêt. Sa main attrapa doucement celle de la jeune fille, comme une douce mise en garde. Tout cela aurait été très charmant, ailleurs que dans un ascenseur et sans compagnie.

« Je suis tout à fait incapable de mentir à une femme aussi belle que vous, Mlle Hills. Et je n’aime que les femmes, croyez-moi. », Répondit-il assez fort pour que John l’entende.

Il coula le temps d’une seconde un méchant regard vers son cher patron et lâcha la petite main. Il se sentait tout de suite beaucoup mieux d’avoir remit les choses au clair, même si les choses n’avaient pas évolué de beaucoup. Enfin si. Manifestement Elisabeth le draguait et ça sous les yeux de John, ce qui était encore plus jouissif pour le brun. Mieux valait-il qu’il ne sache pas ce qu’Innocent pensait vraiment… Mais il était loin de s’en douter, surtout après que la demoiselle ait embrassé son cou. Retour d’une ou deux couleurs sur ses joues, il avait un peu chaud d’un coup. La faute à qui, hein ? Depuis quand Zach n’avait-il pas touchée une femme ? Ça devait bien faire deux semaines. Beaucoup trop long à son goût. Il ne fallait vraiment pas trop pousser, qui sait comment il pourrait réagir ! Zachary sourit, bien qu’Eli ne pouvait pas le voir et s’écarta pour ensuite se pencher sur le coin de ses yeux et l’embrasser chastement. « Chastement » ne semblait pas le genre de la demoiselle mais il ne voulait pas passer pour le pervers dangereux que John semblait imaginer.

« Si vous pouviez éviter de diffamer à mon sujet, Mr.Rose… L’abus de pouvoir et la diffamation sont peut-être vos armes mais il ne faut pas en abuser, ce serait vous dévalorisez. »

Sur quoi il décocha un sourire poli mais évidemment placide. A force d’habitude, Zach arrivait assez bien à mettre des sens cachés dans des mots très simples.